« Au Liban il n y a pas de perdant », a déclaré notre brave ministre de l’intérieur Me Ziyad Baroud, en marge de sa dernière conférence de presse mettant un terme aux questions à connotation politique.
Sous le regard du monde entier
Pendant toute la campagne électorale et vu la présence sur le sol libanais d’un grand nombre de délégations étrangères venues des quatre coins du monde pour inspecter le déroulement des événements, sans compter les observateurs familiers, j’ai eu l’impression que je n’étais pas au Liban, mais plutôt à Gazza ou bien dans un pays africain. Je suppose qu’ils ont profité du beau temps, qu’ils ont apprécié la cuisine libanaise riche en protéines, et qu’ils ont en somme découvert l’hospitalité des libanais. Les uns ont quitté précipitamment, après avoir fait le tour des présidents et autres chefs politiques et religieux en déclarant que les élections se sont déroulées dans un climat démocratique et sous un ciel « bleu méditerranéen ». D’autres ont travaillé durement pour pénétrer le mélodrame libanais, et découvrir une démocratie fondée sur toute sorte de contradictions et de pratiques irrationnelles.
Une participation massive
En effet les Libanais ont répondu mieux que jamais depuis vingt ans, à l’appel de leurs leaders et ont participé massivement à un tour, pour la première fois unique au Liban, avec un taux de coopération record de 70% dans le Kesrouane. Ils ont fait des choix clairs et motivés, même si leurs desseins sont différents et variés. Or entre une majorité qui a fait des choix purement politiques et une minorité qui a monnayé son vote les libanais se trouvent ainsi répartis entre quatre blocs plus ou moins bien définis: le bloc du Futur ayant une dominante confessionnelle musulmane sunnite, le bloc Amal- Hizbollah ayant une dominante confessionnelle musulmane chiite, le bloc du Courant national ayant une dominante confessionnelle chrétienne maronite et le bloc des démocrates du leader Walid Joumblatt ayant une dominante confessionnelle druze. Ce dernier jouera comme d’habitude le rôle d’arbitre. Ainsi le puzzle politique national s’annonce facile à monter pour tous ceux qui veulent gouverner le pays au centre sous la houlette du président de la république Michel Souleimane, bravant la crise qui a trop duré… et sauvant notre démocratie consensuelle.
Les attentes des Libanais
Personnellement je craignais une victoire en termes de sièges des partis de l’opposition face a une majorité parlementaire proclamée depuis 2005 laquelle s’est avérée incapable d’absorber une quelconque défaite ou perte de pouvoir, surtout si on y ajoute toutes les menaces proférées, discrètement par les tenants du pouvoir économique national et ouvertement par les diplomates arabes, européens et américains qui ont nourri constamment la campagne électorale. Maintenant les libanais attendent impatiemment la constitution d’un nouveau gouvernement « d’entente nationale » qui est appelé à dresser dans les meilleurs délais, un véritable budget conforté par un plan de relance économique nationale, après quatre années de chamboulement économique et de confusion politique.
L’implication du président de la république
Il est temps aussi, et c’est une priorité, de redonner au président de la république le droit et les moyens d’exercer un rôle potentiel après vingt ans de déchéance honteuse pour tous les libanais sans exception. En même temps il faut libérer toutes les institutions de la main mise des leaders politiques, notamment l’institution judiciaire et les divers services de renseignements et d’information, militaire et sécuritaire. Or on ne peut pas gouverner correctement un pays sans donner à l’institution judiciaire toute son indépendance et sans octroyer aux services de renseignements la confiance et les moyens indispensables dans l’exercice de leurs fonctions.
Sans doute tous les Libanais attendent d’abord le dénouement d’une crise latente: l’élection d’un nouveau président du parlement. Toutes les données portent à croire que le leader Nabih Berri sera reconduit à ce poste, contrairement à toutes les déclarations défavorables faites ici et là. Allons-nous continuer à nous tourmenter et affûter nos différends internes, alors que le monde bouge autour de nous, profilant à l’horizon des solutions qui nous touchent directement ? (12.6.2009)