Alexandre Pouchkine, le génie qui a osé

Le Centre Libanais de Recherches Sociétales du l’Université Notre Dame de Louaizé et la Maison Libano-Russe, avec la coopération de Centre Culturelle Russe de l’ambassade de Russie, et le soutien de la Fondation Issam Farés, ont célébré le 2 décembre dernier, le 210éme anniversaire de celui qu’on considère comme le père de la révolution libérale littéraire de la Russie. Des chercheurs universitaires, des historiens émérites, des écrivains et des poètes illustres, arabophone, russophone francophone et anglophone, ont animé un séminaire portant sur  la vie et les chefs d’œuvres littéraires et artistiques que nous a légué Alexandre Pouchkine, ce génie mort dans un duel fomenté quand il avait 37 ans.

Entre liberté et légitimité

Pouchkine qu’on appelait le Français au Lycée de Moscou, parce qu’il avait réussi à façonner ses goûts et ses idées à la manière du XVIIIème siècle en France, et en particulier au style osé et critique de Voltaire son idole, était descendant par son père d’une ancienne famille aristocratique russe, et par sa mère d’Abraham Hannibal, le filleul Ethiopien, compagnon d’armes de Pierre le Grand. Tout cela a contribué à faire de lui un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères en 1816… Mais Pouchkine en société n’a jamais fait mystère de ses idées libérales, et quelques uns de ses poèmes condamnent sévèrement le servage qui était en pratique en Russie à cette époque, ce qui allait lui faire valoir en 1820, l’exil en Sibérie, s’il n’ y avait pas eu l’intervention de ses protecteurs influents auprès du Tsar pour lui faire éviter ce risque… Entre réalisme, lyrisme et théâtralisation de l’histoire, Pouchkine jongle avec l’âme de la Russie, à la hauteur d’un message qui n’a pas arrêté de traverser son œuvre. C’est un message qui porte sur la légitimité de l’aspiration à la liberté et à l’amour. C’est le message que Pouchkine cherchait à faire rencontrer vainement avec le principe d’ordre, et malgré les contradictions qui les séparent, mais l’anarchie était toujours là pour le dissuader. (Extraits de l’allocution de Abdo Kahi, le directeur du C.L.R.S. ayant pour thème : Pouchkine, le père de la révolution libérale littéraire de la Russie)

Entre ciel et terre 

Il serait plus facile de dompter la fougue du torrent, de surpasser les effluves aurifères de l’impétuosité de la lumière, de sabler les instants dans les coupes fugitives des saisons, de rythmer les élans de l’arc-en-ciel, de suspendre le frémissement des ruisseaux chantants, d’enfermer le soleil dans les battements mélodieux de la brise, de répandre entre ciel et terre le délire sensuel des nuits de pleine lune … que de cerner l’écriture de Pouchkine. L’œuvre de Pouchkine est avant tout celle d’un artiste considéré comme une référence de la poésie russe. Aussi grand que la grandeur de son pays et de son peuple, que l’immensité de la plaine, ce maitre de l’art a donné naissance à l’esprit libertaire, en tant que pionnier et chef de file des écrivains. Le journal intime de Pouchkine confirme sa débauche qui serait aux dires de certains le moyen de combler le manque du ciel par les voluptés terrestres. Agnès Grossmann dit que la “religion de Pouchkine, c’est le sexe avec lequel il relie indéfiniment la terre au ciel et l’animal a la divinité“. Pouchkine devient par le fait même vivant exemple de contradictions, enthousiasme et renoncement, avidité des sens et ascèse artistique, passion et scepticisme, Pouchkine oscille toujours entre ces pôles opposés“. Qu’on le nomme prôneur de l’athéisme , chercheur de plaisir, qu’il raffole de luxure et de lubricité, qu’il dise “j’aime les femmes et elles me le rendent bien “ cet artiste insatiable, avide de vivre n’en demeure pas moins avide d’écrire et son écriture le place dans un cadre unique , le place comme le dit Agnès Grossmann “ au delà du bien et du mal“. Ainsi dira Boulgakov de Pouchkine: c’est une manifestation merveilleuse de la Russie, en quelque sorte son apothéose“. Nul ne peut contester la noblesse de Pouchkine. Lorsque le journal intime veut assombrir l’éclat de sa poésie, une étincelle jaillit  et la poésie déchire le voile opaque et l’homme redécouvre tout à coup sa nature angélique. (Extraits de l’allocution de Mme Ilham Abdenour, écrivaine et poète, ayant pour thème : Pouchkine entre ciel et terre). Un dernier mot : je tiens à saluer vivement les efforts de tous ceux qui ont œuvré pour la tenue de ce séminaire, et ont contribuée à sa réussite, en particulier ce grand russophone M. Souheil Farah, le professeur de philosophie et président de la Maison Libano-Russe, et  la virtuose et séduisante pianiste russe Ekaterina Kovrikova.   (4.12.2009)