Frédéric Mitterrand d’écrivain à ministre

« Progresser dans la vie en essayant d’avoir des rapports corrects, des rapports humains assez riches. Je suis assez émotif parce que je suis sensible et sentimental. J’aime l’humain  » (Frédéric Mitterrand).

Rencontre insolite mais enrichissante

J’ai côtoyé l’humain Frédéric Mitterrand à Paris en 1984 pendant la création et le lancement du Festival annuel du Cinéma arabe par notre ami le grand journaliste libanais à RMC Gassane AbdelKhaleq. Il s’agit d’un homme cultivé, intelligent, aimable, d’une grande sensibilité et avide de pénétrer toutes les civilisations et cultures du monde (arabe, africaine, asiatique). C’est un admirateur fou d’Oum Koulsoum, de Fayrouz, des frères Rahbani, de Mohamad Abdel-Wahab, de Farid el-Attrache, de Mounir Bachir  et du Cinéma arabe.

La mauvaise vie

Mais le public français comme les proches de Frédéric Mitterrand, ont  dû attendre la publication en 2005 de son livre intitulé La mauvaise vie, pour saisir la vraie personnalité de cet homme trempé dans la culture universelle. « Ce n’est pas un livre triste, c’est un livre sombre. J’avais surtout envie de recoller les morceaux de mon existence pour en aborder la dernière partie en bon ordre…  Ce n’est pas la mort qui fait peur, c’est le néant  » confiait-il à un journaliste.

Le parcours du combattant

Né en 1947 à Paris XVI, fils de Robert Mitterrand, Ingénieur et d’Edith Cahier, parents divorcés, et neveu de François Mitterrand Avocat, Homme politique, refondateur du Parti Socialiste, Président de la République Française (1981-1995) et du général Jacques Mitterrand. Il est aussi le père d’un enfant unique : Mathieu. Licencié d´histoire et de géographie, diplômé de l´Institut d´études politiques de Paris, professeur d´économie, d´histoire et de géographie (1967-1971), gérant de sociétés, producteur et animateur d´émissions de radio et de télévision, écrivain talentueux, scénariste, réalisateur de plusieurs longs et courts métrages (depuis 1981), directeur général délégué chargé des programmes de TV5 (2003-05), président de la Commission du soutien financier sélectif à la production d’œuvres cinématographiques de longue durée au Centre national de la cinématographie (2001-03), et directeur de l’Académie de France à Rome (Villa Médicis Italie, depuis 2008). Maintes fois décoré par la France et la Tunisie, il a reçu entre autres, le prix Jean-Louis Bori, le 7 d´or du meilleur animateur de débats (1989), le 7 d´or de la meilleure émission de variétés, le Trophée de l’Association des journalistes de la presse hebdomadaire de télévision La Lucarne (1990), le prix des Maisons de la presse pour les Aigles foudroyés (1997), le prix Oscar Wilde pour Un jour dans le siècle (2000), le prix Roland Dorgelès (2003).

 Le ministre de la Culture

On ne plaisante pas avec l’information politique quand France 2 la télévision de service public annonce mardi soir au journal de 20 heures que Madame Carla Bruni-Sarkozy est à l’origine de la nomination de Frédéric Mitterrand comme ministre de la Culture et de la Communication. Mickaël Darmon, journaliste politique à France 2, affirme : « les conseils et l’analyse » de Carla Bruni-Sarkozy ont guidé le chef de l’État dans son choix. Or de Madame De gaule à Madame Chirac, en passant par Madame Pompidou et Madame Mitterrand, les épouses des présidents de la Vème République ont souvent influencé le choix de leurs époux dans la formation de tous les  gouvernements.

 Un Homme compétent

« Frédéric Mitterrand est une personnalité que j’apprécie », commente Martine Aubry la première secrétaire du PS avant d’ajouter : « Il n’est pas socialiste. Je n’ai donc pas à réagir. » Benoit Hamon le porte- parole du PS, a déclaré: « Le seul patron c’est le président de la République. Peu importe les trompettes, celui qui souffle c’est Sarkozy. C’est un Mitterrand de droite dans un gouvernement de droite, je lui souhaite bonne chance ». Pour le comédien Jacques Weber, « Frédéric Mitterrand a toujours été de droite ». Néanmoins il se réjouit de l’arrivée au ministère de la Culture de l’ex-directeur de la Villa Médicis, un « homme compétent ». Vive la Démocratie, vive l’Intelligence, vive la Culture, vive la Communication, et toutes mes félicitations pour le nouveau ministre de la Culture, à la fois française et francophone.  (26.6.2009)

Alexandre Pouchkine, le génie qui a osé

Le Centre Libanais de Recherches Sociétales du l’Université Notre Dame de Louaizé et la Maison Libano-Russe, avec la coopération de Centre Culturelle Russe de l’ambassade de Russie, et le soutien de la Fondation Issam Farés, ont célébré le 2 décembre dernier, le 210éme anniversaire de celui qu’on considère comme le père de la révolution libérale littéraire de la Russie. Des chercheurs universitaires, des historiens émérites, des écrivains et des poètes illustres, arabophone, russophone francophone et anglophone, ont animé un séminaire portant sur  la vie et les chefs d’œuvres littéraires et artistiques que nous a légué Alexandre Pouchkine, ce génie mort dans un duel fomenté quand il avait 37 ans.

Entre liberté et légitimité

Pouchkine qu’on appelait le Français au Lycée de Moscou, parce qu’il avait réussi à façonner ses goûts et ses idées à la manière du XVIIIème siècle en France, et en particulier au style osé et critique de Voltaire son idole, était descendant par son père d’une ancienne famille aristocratique russe, et par sa mère d’Abraham Hannibal, le filleul Ethiopien, compagnon d’armes de Pierre le Grand. Tout cela a contribué à faire de lui un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères en 1816… Mais Pouchkine en société n’a jamais fait mystère de ses idées libérales, et quelques uns de ses poèmes condamnent sévèrement le servage qui était en pratique en Russie à cette époque, ce qui allait lui faire valoir en 1820, l’exil en Sibérie, s’il n’ y avait pas eu l’intervention de ses protecteurs influents auprès du Tsar pour lui faire éviter ce risque… Entre réalisme, lyrisme et théâtralisation de l’histoire, Pouchkine jongle avec l’âme de la Russie, à la hauteur d’un message qui n’a pas arrêté de traverser son œuvre. C’est un message qui porte sur la légitimité de l’aspiration à la liberté et à l’amour. C’est le message que Pouchkine cherchait à faire rencontrer vainement avec le principe d’ordre, et malgré les contradictions qui les séparent, mais l’anarchie était toujours là pour le dissuader. (Extraits de l’allocution de Abdo Kahi, le directeur du C.L.R.S. ayant pour thème : Pouchkine, le père de la révolution libérale littéraire de la Russie)

Entre ciel et terre 

Il serait plus facile de dompter la fougue du torrent, de surpasser les effluves aurifères de l’impétuosité de la lumière, de sabler les instants dans les coupes fugitives des saisons, de rythmer les élans de l’arc-en-ciel, de suspendre le frémissement des ruisseaux chantants, d’enfermer le soleil dans les battements mélodieux de la brise, de répandre entre ciel et terre le délire sensuel des nuits de pleine lune … que de cerner l’écriture de Pouchkine. L’œuvre de Pouchkine est avant tout celle d’un artiste considéré comme une référence de la poésie russe. Aussi grand que la grandeur de son pays et de son peuple, que l’immensité de la plaine, ce maitre de l’art a donné naissance à l’esprit libertaire, en tant que pionnier et chef de file des écrivains. Le journal intime de Pouchkine confirme sa débauche qui serait aux dires de certains le moyen de combler le manque du ciel par les voluptés terrestres. Agnès Grossmann dit que la “religion de Pouchkine, c’est le sexe avec lequel il relie indéfiniment la terre au ciel et l’animal a la divinité“. Pouchkine devient par le fait même vivant exemple de contradictions, enthousiasme et renoncement, avidité des sens et ascèse artistique, passion et scepticisme, Pouchkine oscille toujours entre ces pôles opposés“. Qu’on le nomme prôneur de l’athéisme , chercheur de plaisir, qu’il raffole de luxure et de lubricité, qu’il dise “j’aime les femmes et elles me le rendent bien “ cet artiste insatiable, avide de vivre n’en demeure pas moins avide d’écrire et son écriture le place dans un cadre unique , le place comme le dit Agnès Grossmann “ au delà du bien et du mal“. Ainsi dira Boulgakov de Pouchkine: c’est une manifestation merveilleuse de la Russie, en quelque sorte son apothéose“. Nul ne peut contester la noblesse de Pouchkine. Lorsque le journal intime veut assombrir l’éclat de sa poésie, une étincelle jaillit  et la poésie déchire le voile opaque et l’homme redécouvre tout à coup sa nature angélique. (Extraits de l’allocution de Mme Ilham Abdenour, écrivaine et poète, ayant pour thème : Pouchkine entre ciel et terre). Un dernier mot : je tiens à saluer vivement les efforts de tous ceux qui ont œuvré pour la tenue de ce séminaire, et ont contribuée à sa réussite, en particulier ce grand russophone M. Souheil Farah, le professeur de philosophie et président de la Maison Libano-Russe, et  la virtuose et séduisante pianiste russe Ekaterina Kovrikova.   (4.12.2009)