Proche ou Moyen Orient ?

«Ce n’est que dans l’Orient que l’on peut travailler grand; ce n’est que là que se font les grandes réputations, les grandes fortunes», selon Bonaparte 1er en 1805 devant une assemblée de princes allemands, cité par Benoist-Méchin in A Destins rompus.

De la Turquie Kémaliste aux ruines de l’antique Palmyre, d’Antioche la Cité divine à la rayonnante Alexandrie, du Mont-Liban au Mont des Oliviers, de l’Arabie carrefour des siècles au golfe Persique devenu la Côte des convoitises…, ainsi le vent du nord doit composer avec le vent du sud pour faire face au vent de l’ouest entrecroisant le vent de l’est. Les Romains se sont contentés, contrairement à d’Alexandre le grand, de conquérir les pays du Proche-Orient, évitant de la sorte le sable flamboyant du désert de l’Arabie et les hauts sommets des montagnes de l’est. Si la France des temps modernes a choisi en quelque sorte la voie «romaine», le Royaume Uni a préféré trotter sur le chemin d’Alexandre le grand occupant ainsi le centre du continent asiatique et soumettant l’Inde à la Couronne britannique.

Le printemps arabe

Les Etats-Unis ont repris à leur compte le printemps arabe promis par les Britanniques leurs ascendants et précurseurs. Mais l’Amérique et  surtout les Américains sont loin, très loin de ce Proche et Moyen Orient, et ne se soucient guerre du sort des peuples du monde entier, y compris les Israéliens et malgré le soutien du lobby juif américain. C’est pour cela je ne peux m’empêcher de penser à cet officier de liaison britannique, Laurence d’Arabie, quand je vois son concitoyen le député George Galloway s’agiter et lutter avec tant de conviction et de détermination pour dénoncer tout haut les crimes accomplis par les gouvernements israéliens, et leurs complices les gouvernements des états européens et américains… depuis la mise en application des Accords Sykes-Picot en 1919 jusqu’à nos jours, et qui a décapité ce Proche Orient au profit de la création de l’état sioniste en lui garantissant depuis 1948 une supériorité militaire sur ses voisins arabes. Ce député britannique ainsi que ses compagnons de fortune, cherchent-ils à se déculpabiliser d’un passé qui doit, semble t-il peser lourd sur la conscience collective de plusieurs générations du moins en Europe, ou bien se trouvent-ils en admiration devant la ténacité, la hardiesse et la détermination de ces peuples arabes contre toute sorte d’occupation, d’oppression, de calomnie et de dénigrement dont ils sont victimes, depuis bientôt cent ans ?

Le temps des bourgeons

«Le temps amène les roses, mais avant tout des bourgeons», disent les Suisses. «Le temps use l’erreur et polit la vérité», disent les Français. «La rose a l’épine pour amie», selon la sagesse afghane. En effet, pendant que des combattants pour la liberté, arabes et européens nourrissent les bourgeons, la rose des gouvernements des pays arabes tient l’épine israélienne pour amie. Autrement dit, au moment où les palestiniens et leurs amis commémorent le premier anniversaire de la guerre israélienne la plus dévastatrice, la plus meurtrière contre le peuple palestinien et appellent les grandes puissances à lever le blocus accablant de Gazza qui perdure depuis deux ans, et au moment où la majorité des peuples arabes souffrent de tous les maux dans leur vie quotidienne, les «frères» arabes les plus fortunés vantent leur pouvoir en édifiant les bâtiments les plus hauts du monde, voulant paraît-il, détrôner les gratte-ciel de New York et de Chicago, et dépasser de loin les tours colossales des capitales asiatiques. Politiquement, les dirigeants des pays arabes comptent en vain et depuis des décennies, sur les grands du monde pour sauver leurs pouvoirs, notamment le brave président américain qui n’a pas pu, un an après son investiture, achever la composition de son équipe gouvernementale. Or, Il est dit qu’on est dupé par celui qu’on aime, surtout quand celui-ci nous somme: «Qui m’aime aime mon chien… même s’il lui arrive de vous mordre de temps à autre». (22.1.2010)

Quel foutoir, quel gâchis …!

Je comprends que les peuples du Proche et du Moyen Orient étaient, durant des siècles, démunis et prives de tout savoir, en quête d’identités sociale, politique et culturelle. ‘’Tenus en laisse’’ par des dirigeants obstinés, ignorants voire illettrés, ils continuent jusqu’à nos jours, et malgré toutes les bonnes apparences, de subir toutes sortes de décadences, d’humiliations et d’oppressions, de la part des autorités nationales et des instances dirigeantes internationales.

 Qui trop embrasse…

Le vice-président américain Joseph Biden s’est rendu promptement en Iraq pour aider le gouvernement de ce pays à réaliser une sélection des candidats aux futures élections législatives, et qui consiste à refouler la candidature des anciens membres du Parti Baas irakien exclu de la vie politique en Iraq depuis la chute de l’ancien régime. A-t-il constaté que la majorité de ces candidats ex-baasistes sont de confession musulmane sunnite ? Son co-équipier le chef du Pentagone Robert Gates s’est envolé hâtivement au secours d’un grand allié, le gouvernement civil pakistanais qui sombre, depuis deux ans, dans sa guerre contre les talibans du nord ouest du Pakistan. A-t-il remarqué et admis que tous les malheurs du peuple pakistanais proviennent de l’ingérence des puissances occidentales dans les affaires de ce pays qui détient, depuis des décennies, le record des dirigeants politiques assassinés ? Le Yémen est-il le nouveau champ de bataille que les Américains ont choisi pour affronter la légendaire Al-Qaïda et déstabiliser ce qui semble encore stable dans cette région du monde, carrefour des continents ?

 … Mal étreint

La secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Mme Hilary Clinton passe son temps à assurer les Israéliens et rassurer les Palestiniens, en les priant de faire l’amour et non la guerre. M. George Mitchell, l’envoyé spécial américain pour le Proche- Orient, va-t-il baisser les bras et annoncer à Mme Clinton que les Israéliens se sentent pleinement assurés, alors les Palestiniens se sentent plus que jamais délaissés par l’Administration américaine ?  Contrairement au Président des Etats-Unis lors de son entretien avec son homologue libanais Michel Sleimane, le Président Français Nicolas Sarkozy a déclaré ouvertement son soutien au Liban à l’occasion de la récente visite en France du Président du Conseil des ministres, Saad Hariri. Faut-il accorder une grande importance à la déclaration faite par son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, ou bien attendre la suite des événements ? Faut-il retenir la déclaration du ministre israélien sans portefeuille annonçant une  prochaine guerre contre le Liban, ou bien écouter celle apaisante de son chef ? Et Sylvain Shalom l’ingénu ministre israélien de la Coopération régionale, est peut-être dupe, ou bien il nous prend pour des naïfs en déclarant : « la vision du président  Obama n’a pas réussi avec les Palestiniens, avec les pays arabes, et cela n’a pas marché non plus avec l’Iran, ni la Russie, ni avec la Chine », omettant de citer l’Afghanistan, peut-être parce qu’il considère que l’invasion de ce pays par les armées américaines, est un grand succès ! Ailleurs, la Turquie continue de servir de plateforme pour rassembler les « frères ennemis » et les aider à se réconcilier, tournant le dos à une Union Européenne divisée sur son admission. Or la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a.

 Lueur d’espoir

Nous allons bientôt célébrer le centième anniversaire de l’invasion de ce Proche et Moyen Orient par les Gengis Khan et autres Timor Lang venus cette fois-ci de l’ouest. Et c’est grâce à la résistance et à la ténacité de tous les peuples de la région, notamment les Palestiniens, que nous pourrions encore espérer et rêver d’un lendemain qui chante. Doit-on saluer sur le passage, l’attitude du Patriarche de l’Eglise copte qui a remercié la délégation américaine venue lui rendre visite après les douleurs événements qui ont couté la vie à six de ses fidèles… en leur faisant savoir qu’il faisait entièrement confiance aux autorités de son pays, l’Egypte ? Doit-on aussi saluer la prise de position annoncée récemment par le Secrétaire général de la Ligue des Etats Arabes, repoussant toute ingérence américaine dans les affaires intérieures des états membres, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression et d’action des medias arabes ?  (29.1.2010)

Les vrais-faux débats…

« La plupart d’entre nous estiment que la menace principale vient des réseaux transnationaux et non étatiques…Notre pire cauchemar est qu’une de ces organisations terroristes mette la main sur une arme de destruction massive ». (Mme Hilary Clinton)

Pendant que le débat sur la sortie de la crise économique et financière aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, prend de l’ampleur, les ténors de la politique étrangère des puissances occidentales montent au créneau, pointant avec leur index l’Iran nucléaire, les guerriers talibans, l’énigmatique Al-Qaeda, les palestiniens de Hamas et les résistants libanais du Hizbollah, considérés en somme comme les plus durs opposants au « plan de paix américain ». Ils estiment que la Chine, la Russie et d’autres pays émergents comme le Brésil, empêchent le Conseil de Sécurité de l’ONU d’adopter des résolutions « impérieuses » à l’encontre de l’Iran.

Le plan Obama

Depuis les visites du président américain en Turquie, en Egypte, et en Arabie Saoudite, l’administration Obama a apparemment chargé le gouvernement turc de mener à terme les tractations préliminaires auprès des gouvernements syrien, israélien et iranien en vue de les convaincre de diminuer leur pressions sur la scène internationale et d’assouplir leurs positions respectives. Mais cela n’a pas dû plaire aux dirigeants français et égyptiens qui ont pris l’initiative de proposer leur médiation du moins auprès des israéliens et des palestiniens, et pourquoi pas auprès des syriens qui ont préféré saisir plutôt la main sincèrement tendue du roi Abdallah Bin Abdelaziz, fuyant à terme l’imbroglio israélo-américain.

Amadouer la Russie

« Nous avons des intérêts semblables à ceux de la Russie dans plusieurs domaines (…) D’où notre désir de poursuivre ensemble la défense antimissile », selon Philip Gordon, le secrétaire d’Etat adjoint américain pour les Affaires européennes, qui ajoute : « Il faut dépasser l’idée que si c’est bon pour l’OTAN ou les Etats-Unis, c’est mauvais pour la Russie. » Pour sa part, le président roumain M. Basescu a déclaré que les américains lui ont souligné que le projet n’était « pas dirigé contre la Russie (!). Il s’agit d’une question très sérieuse que nous soulèverons lors de nos contacts avec nos partenaires américains et européens », selon le ministère des Affaires étrangères, en indiquant qu’il vise à protéger les troupes américaines déployées dans la région et les pays de l’OTAN contre « les menaces actuelles et émergentes de missiles balistiques en provenance de l’Iran ». L’annonce par le New York Times d’un déploiement par Washington de navires spécialisés au large des côtes iraniennes ainsi que des intercepteurs de missiles dans les Etats et Emirats arabes,  n’est-il pas un autre camouflet, perçu par les stratèges et autres observateurs comme une déclaration de guerre ?

Le respect mutuel 

Combien de temps, combien de milliers de morts et combien de milliards d’Euro gaspillés faut-il pour que les dirigeants américains et européens comprennent que le dialogue dans le « respect mutuel » est la voie la plus sûre pour déballer tous les conflits, réduire le fossé d’incompréhension et de suspicion qui ne cesse de se creuser entre le monde occidental et le monde musulman, et parvenir à une paix juste et durable tant souhaitée depuis des décennies par les peuples de ce grand Moyen Orient ? N’est-il pas ridicule de compter sur les armées pour combattre le fanatisme religieux, ou bien combattre le fanatisme par un autre fanatisme ? N’est-il pas étonnant de voir le débat public porté d’avantage sur la manière de conduire toute ces guerres que sur leur raison d’être ? Quoi que l’on fasse, et malgré toutes « les bonnes intentions », une armée étrangère est vue, tôt ou tard, comme une armée « d’infidèles », une armée d’occupation. Enfin, pourquoi tout ce tintamarre au pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, quand on peut lire dans une étude récente, qu’en France seulement deux milles femmes et fillettes musulmanes sur environ deux millions, portent le hijab ou le burqa ? « Les bêtes sont au bon Dieu. Mais la bêtise est à l’homme » (Victor Hugo dans Les Contemplations-1836). (12.2.2010)

Le retour à Babylone

« Il faut faire connaître des œuvres montrant la parenté des juifs et des musulmans, car les musulmans ont aussi souffert du colonialisme et de l’humiliation. Il faut le faire savoir afin que chacun connaisse mieux l’autre ». (Serge Klarsfeld le 7 février 2010 à Bagdad). Or ce sont les arabes, chrétiens et musulmans, qui ont tant souffert du colonialisme franco-britannique quand ce dernier présentait aux juifs sionistes fuyant l‘Europe, la Palestine sur un plateau d’argent, depuis la mise en application des Accords Sykes-Picot en 1918, et jusqu’à nos jours.

Du Nil à l’Euphrate

Selon l’AFP, l’historien français de la déportation des juifs par les nazis, Serge Klarsfeld clôturait une série de conférences sur la Shoah, qui l’ont conduit à Tunis, au Caire, à Amman, à Istanbul, à Rabat, à Jérusalem et Nazareth dans le cadre du projet Aladin lancé en 2009 sous le parrainage de l’Unesco, visant principalement à combattre le négationnisme dans les pays arabes et musulmans. L’auteur de plusieurs ouvrages notoires sur la « solution finale » du nazisme européen, a exhorté juifs et musulmans à prendre conscience de leurs souffrances respectives (!) pour mieux se connaître. Mais le négationnisme n’a jamais posé de problème aux peuples arabes et musulmans, qui n’ont rien à nier, ni à approuver… ! Et ce, parce qu’ils ne se sentent pas concernés par les souffrances que les juifs européens ont enduré dans leur pays d’origine durant des siècles passés. Je me demande si M. Klarsfeld a-t-il été reçu avec les mêmes égards dans chacune de ces capitales arabo-musulmanes, et pourquoi a-t-il ignoré Beyrouth et Damas ? Peut-être parce que les arabes chrétiens de ces deux pays n’ont pas oublié encore que « Les pharisiens hypocrites filtrent le moustique et avalent le chameau » (l’Evangile selon St. Mathieu).

Le vrai dialogue

« L’interrogation permanente était de savoir comment ce génocide avait pu avoir lieu et comment se fait-il que les Israéliens agissent de la manière dont ils agissent » à l’égard des Palestiniens, a-t-il dit lors de sa conférence à la résidence de l’ambassadeur de France à Bagdad, ajoutant : « mais je comprends que ceux qui ont subi les colonialismes anglais ou français voudraient qu’on parle aussi de leurs souffrances et de ceux qui souffrent de la présence israélienne sur ce qu’ils considèrent comme leur terre ». A mon tour, je considère que l’usage du verbe « considérer » par Me Klarsfeld est regrettable pour un médiateur qui prétend conduire un vrai dialogue.

Aladin ou la lanterne magique

En effet, M. Klarsfeld agit dans le cadre d’un projet dénommé « Aladin » qui a édité en arabe et en persan plusieurs livres sur la Shoah, en incitant à  la tolérance. Pour sa part, M. Abe Radkin, directeur exécutif du projet Aladin devait déclarer, à propos de sa dénomination : »Nous l’avons fait car Aladin c’est la lanterne magique (…) c’est la lumière, et la lumière c’est la connaissance ». Or les Levantins croient plutôt aux lumières des miracles  et se méfient des solutions magiques, car  « Le miracle est l’enfant chéri de la foi, » selon Goethe (1808)…et « La foi transporte les montagnes, »  (l’Evangile selon St. Mathieu). Et c’est cette foi qui anime depuis bientôt  cent ans, l’esprit et l’action de tous ces combattants pour la liberté, l’égalité et la fraternité en Palestine, au Liban, en Iraq et ailleurs dans ce Proche Orient meurtri, à la recherche d’une paix juste et globale. Il faut cesser de demander aux victimes d’être tolérantes quand leurs bourreaux allongent leurs souffrances et persistent dans leur humiliation.

L’Imperium islamique

Enfin, « Histoire de l’antisémitisme de Mohamed aux Marranes » de Léon Poliakov, dans la Collection « Liberté de l’esprit » dirigée par Raymond Aron, chez Calmann-Lévy, est un ouvrage que doit sûrement lire, toute personne soucieuse de connaître le profitable parcours des juifs de l’Imperium islamique: de la péninsule arabique à la Mésopotamie abrahamique, du règne des Omeyades à l’Espagne des trois religions, en passant par l’Afrique du Nord. Ainsi ils cesseront peut-être, d’accuser leurs cousins arabes d’antisémites ! Et les Occidentaux, descendants des Croisés et enfants légitimes de l’Inquisition, cesseront aussi de prêcher aux héritiers de la civilisation arabo-musulmane, la tolérance à l’égard des juifs, anciennes victimes, et durant  des siècles, des ghettos et autres pogroms européens.  (26.2.2010)

A part le Rock et le Twist

« Je crois que nous avons pris la bonne décision pour les bonnes raisons parce que la communauté internationale demandait depuis des années à Saddam Hussein de respecter le droit international et les obligations internationales qu’il avait acceptées », a déclaré Gordon Brown le premier ministre britannique, devant la commission d’enquête sur la guerre en Irak de 2003.

Brown regrette

Londres pensait qu’il était impossible de persuader Saddam de respecter le droit international, et avait œuvré « jusqu’à la dernière minute, jusqu’au dernier week-end », pour une solution diplomatique. Gordon Brown, alors ministre des finances, regrette vivement de n’avoir pas pu « convaincre les Américains que la reconstruction du pays (l’Iraq) était aussi essentielle que la préparation de la guerre ». Et alors qu’est ce qu’ils comprennent ces Américains à part le rock et le twist… ! Dalida a omis de dire qu’ils savent aussi faire la guerre. L’absence d’une nouvelle résolution des Nations unies, une majorité de Britanniques opposée à la guerre, sans oublier les Français, les Espagnoles et les Italiens qui n’étaient pas non plus convaincus par l’aventure anglo-américaine…, ont rendu cette intervention militaire « illégale ». Le tout n’a pas dissuadé, pour autant, Tony Blair d’entrer en guerre contre l’Iraq de Saddam Hussein, au printemps 2003.

Les vieux démons

Depuis la chute du régime soviétique il y a vingt ans, les dirigeants des puissances occidentales ont repris les vieux slogans et autres devises : défense et promotion des valeurs civilisatrices judéo-chrétiennes, guerre juste, guerre préventive, la guerre comme prolongement de la politique « par d’autres moyens », et surtout une nouvelle classification des peuples et des Nations. Ainsi le monde est reparti en trois catégories : les Etats pré-modernes du Tiers monde y compris les émergents, les Etats modernes (les Etats-Unis d’Amérique et le Canada), et les Etats postmodernes (les Etats de l’Union européenne). Il s’agit d’un nouvel impérialisme qui va restaurer là où il faut, et au nom des valeurs occidentales, la démocratie occidentale, selon le diplomate britannique Robert  Cooper.

L’enthousiasme de Blair

« Jamais depuis la crise de Suez un premier ministre britannique ne s’était demandé avec un tel enthousiasme ce que la Grande-Bretagne pouvait faire pour le reste du monde. Cela ressemble fortement au projet des victoriens qui souhaitaient exporter leur civilisation au monde entier, » écrit Niall Ferguson l’historien conservateur à propos de Tony Blair, dans son ouvrage Empire. How Britain Made the Modern World (2004). « La raison pour laquelle je pense qu’il y a un danger aujourd’hui, c’est parce qu’il y a des Etats, notamment l’Iran, qui font une interprétation extrémiste et erronée de l’islam ».  Voila que Tony Blair est soucieux de défendre le « bon musulman » contre le « mauvais » musulman. En effet et sans aucune hésitation Georges Bush junior et Tony Blair ont estimé au nom de leurs « valeurs », et bien avant 2003, qu’une intervention militaire en Irak était à la fois nécessaire et souhaitable. Le reste n’a été qu’un camouflet juridique, diplomatique et médiatique. Ils rêvaient ensemble, dit-on, d’un empire qui « couvrait le monde entier ».

La méthode Obama

Barak Obama ne désarme pas. Il faut avouer que son héritage est trop lourd. Le guerrier humanitaire reprend à sa façon, le flambeau en continuant de prêcher la bonne parole. Que doit-on dire bientôt de l’expédition américano-européenne qui occupe le terrain depuis dix ans en Afghanistan, contre leurs anciens alliés, les Talibans et les fantômes d’Al-Qaeda ? Que devons-nous dire du conflit interminable israélo-palestinien ensemencé, nourri aux seins et maintenu contre vent et marais, par les puissances occidentales depuis bientôt cents ans ? Obama va-t-il pouvoir retirer ses troupes de l’Iraq en 2011 ? Va-t-il trouver un terrain d’entente avec les Iraniens moyennant un nouveau partage d’influence avec les Israéliens ? Va-t-il quitter l’Afghanistan avant d’attraper l’ennemi juré Oussama Ben Laden et ses fideles compagnons ? Va-t-il enfin réussir de convaincre les Palestiniens de tout céder, et de se soumettre au plus grand « transfert » de populations jamais réalisé depuis la décolonisation il y a cinquante ans ?  (12.3.2010)

Quand n’importe qui fait n’importe quoi, et n’importe comment !

De la Grèce antique Pittacos nous enseigne : «ceux qui font les lois doivent les observer», et Pausanias, roi de Sparte, affirme que «La loi doit avoir autorité sur les hommes, et non les hommes sur la loi». Publilius Syrus confirme: «Un peuple est fort, quand les lois ont de la force.» Son concitoyen Pine le Jeune note que «Le prince n’est pas au-dessus des lois, mais les lois sont au-dessus des princes». Leur cadet Tacite, dans ses Annales III, témoigne: «Plus l’Etat est corrompu, plus il y a des lois». Le proverbe arabe dit : «La législation est le sel de la terre». L’américain B. Franklin rapporte: «Les lois trop douces ne sont pas suivies, les lois trop sévères ne sont pas appliquées».  J.-J. Rousseau trouve que «Les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien». Les Estoniens pensent que la loi est de trois jours plus vielle que le monde. Napoléon Ier certifie: «Une mauvaise loi appliquée rend plus de service qu’une loi interprétée», quand Talleyrand soutenait que nous pouvons violer les lois sans qu’elles crient. 

Sans foi ni loi

Du Code Hammourabi au Code Napoléon, en passant par les Dix Commandements de Moïse, les Consignes du Christ sauveur et la Charia’ de l’ultime Prophète, la société des hommes n’a cessé de modifier les textes de lois, pour faire régner l’ordre public, assurer une meilleure gestion des intérêts économiques et maintenir une certaine harmonie dans les relations humaines ; autrement dit, pour empêcher n’importe qui, de faire n’importe quoi, et n’importe comment … ! Peut-on vivre sans foi ni loi ? Oui, si on choisit de vivre dans l’anarchie qui est, selon Voltaire, «l’abus de la république, comme le despotisme est l’abus de la royauté».

Le bon exemple

La classe politique au Liban a, en quelque sorte, triché depuis la fondation de la république et continue de le faire sans remords, ni regrets. Les dirigeants politiques libanais dictent les lois mais ne les respectent pas, et donnent ainsi le «bon exemple» aux malheureux citoyens qui ne savent plus où aller pour déguerpir et éviter un quelconque procès. Apparemment nous avons plagié le code civil français. Au fond nous avons conservé tous les mœurs et coutumes ancestrales qui nous guident dans nos rapports entre citoyens et avec l’autorité publique.

Ça marche

Entre le laisser-aller et le laisser-faire, les Libanais mènent leur vie dans l’insouciance et l’indifférence, jusqu’au jour où «le ciel leur tombe sur la tête». Ils vont sûrement trouver un certain protecteur pour intervenir en leur faveur et renvoyer le dossier aux calandres grecques. Au Liban, nous n’avons pas d’ouvriers, car les libanais prétendent tous être des maitres, des chefs de chantiers, en somme des experts. Le fait de posséder une quelconque somme d’argent donne des ailles à la plupart des Libanais pour entreprendre et s’aventurer dans une affaire, dans la mesure où «ça marche». Au Liban n’importe qui peut vendre des polices d’assurances, ouvrir un restaurant ou un hôtel, acheter, importer et vendre des voitures, devenir promoteur immobilier. Le Libanais sollicite une licence pour ouvrir un restaurant, mais ne tarde pas à le transformer en boite de nuit ou en salle des fêtes. Le Libanais obtient l’autorisation de construire un immeuble de cinq étages, mais il s’arrange pour construit un immeuble de dix étages. D’ailleurs tout s’arrange puisque Messieurs  les ministres, les députés, les maires, les mouhafez ou les commissaires, sont omniprésents pour intervenir et couvrir leurs coreligionnaires, leurs camarades, ou leurs associés. Qui ose «contrarier» les entrepreneurs de travaux publics, ces rois de la jungle libanaise… ces maîtres chanteurs ? Le dicton populaire danois assure que «Les présents font la femme complaisante, le prêtre indulgent, et la loi souple».

Piètre justice

Doit-on prendre à la lettre le proverbe italien qui dit: «Au jardin de l’avocat, un procès est un arbre fruitier qui s’enracine et ne meurt pas», ou bien admettre que «C’est ouvrir une digue que de commencer un procès», selon la sagesse arabe, sans oublier de rappeler le dicton populaire russe qui dit: «La chèvre actionna le loup en justice et elle ne conserva que sa barbe et ses cornes» ! D’ailleurs la fameuse loi du 23 juillet 1992 qui gère les relations conflictuelles entre les propriétaires et leurs anciens locataires est un exemple typique, où le malheureux propriétaire se contentera finalement d’obtenir un œuf, après avoir plaidé pour une poule. Or il semble que la majorité des dirigeants politiques et hauts responsables du pays sont des anciens locataires et se contentent de payer pour l’année, ce qu’ils doivent payer honnêtement par mois. «La cour rends des arrêts, et non pas des services», selon Séguier premier président de la cour de Paris en 1810, et «Le juge est condamné, quand le coupable est absout», selon Publilius Syrus.   (9.4.2010)

Quand la raison du plus fort « n’est pas toujours » la meilleure…

La raison, c’est l’intelligence choisissant la sagesse (Macchabées IV). La raison est une arme plus pénétrante que le fer (Phocylide de Milet VIe s. av. J.C.). Autrement dit. L’oiseau se défend par son vol, le lion par sa force, le taureau par ses cornes, l’abeille par son aiguillon, l’homme par sa raison. Ce n’est point être vaincu que de se rendre à la raison (Chevalier de Méré 1687). Il n’appartient qu’aux âmes privilégiées de raisonner toujours juste (Démocrate, Sentences d’or, 77, sous le règne d’Auguste).

Pour avoir séjourné et vécu vingt et un ans en France, de Strasbourg à Paris en passant par Aix-en-Provence, où j’ai participé à la création du mouvement Justice et Paix en Palestine, fréquenté le restaurant universitaire juif Laure Weil, rencontré et dialogué avec des rabbins, écouté maintes fois le discours pastoral du Monseigneur Lustiger évêque de Paris, milité au sein de l’Association de Solidarité Franco-arabe, travaillé sous la direction de mon professeur Emile Témime, dialogué avec l’historien de l’antisémitisme Léon Poliakov, côtoyé des « juifs français et arabes » de toutes les tendances, les Chardac, les Guedj, les Rebot, les Timsit, les Gassmann, les Bidermann, et bien d’autres rencontres intéressantes et fructueuses que je me réserve de citer ici, comme celles avec l’ex-directeur du Bureau de la ligue Arabe à Paris le tunisien Hamadi Essid, ou bien avec l’artiste et écrivain palestinien Ibrahim Essouss directeur du Bureau de l’OLP à Paris…, pour avoir pénétré l’âme de tous ceux qui ont souffert et continuent de souffrir d’une « justice » fondée sur les mensonges, les mythes et autres légendes, j’ai fini par penser comme Henri IV que « le meilleur moyen de se défaire d’un ennemi est d’en faire un ami », et d’admettre que « je n’ai pas d’ennemis quand ils sont malheureux » selon Voltaire. C’est pour tout cela j’adhère à l’Appel qui suit, avec mon profond souhait de voir cette courageuse initiative, progresser, évoluer et réaliser ses objectifs: une paix juste et globale.

 Appel à la raison*

Citoyens de pays européens, juifs, nous sommes impliqués dans la vie politique et sociale de nos pays respectifs. Quels que soient nos itinéraires personnels, le lien à l’État d’Israël fait partie de notre identité. L’avenir et la sécurité de cet État auquel nous sommes indéfectiblement attachés nous préoccupent. Or, nous voyons que l’existence d’Israël est à nouveau en danger. Loin de sous-estimer la menace de ses ennemis extérieurs, nous savons que ce danger se trouve aussi dans l’occupation et la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem Est, qui sont une erreur politique et une faute morale. Et qui alimentent, en outre, un processus de délégitimation inacceptable d’Israël en tant qu’État. C’est pourquoi nous avons décidé de nous mobiliser autour des principes suivants : L’avenir d’Israël passe nécessairement par l’établissement d’une paix avec le peuple palestinien selon le principe « deux Peuples, deux États ». Nous le savons tous, il y a urgence. Bientôt Israël sera confronté à une alternative désastreuse : soit devenir un État où les Juifs seraient minoritaires dans leur propre pays ; soit mettre en place un régime qui déshonorerait Israël et le transformerait en une arène de guerre civile. Il importe donc que l’Union Européenne, comme les États-Unis, fasse pression sur les deux parties et les aide à parvenir à un règlement raisonnable et rapide du conflit israélo-palestinien. L’Europe, par son histoire, a des responsabilités dans cette région du monde. Si la décision ultime appartient au peuple souverain d’Israël, la solidarité des Juifs de la Diaspora leur impose d’œuvrer pour que cette décision soit la bonne. L’alignement systématique sur la politique du gouvernement israélien est dangereux car il va à l’encontre des intérêts véritables de l’État d’Israël. Nous voulons créer un mouvement européen capable de faire entendre la voix de la raison à tous. Ce mouvement se veut au-dessus des clivages partisans. Il a pour ambition d’œuvrer à la survie d’Israël en tant qu’État juif et démocratique, laquelle est conditionnée par la création d’un État palestinien souverain et viable. C’est dans cet esprit que nous appelons tous ceux qui se reconnaissent dans ces principes à signer et à faire signer cet appel. * (8.5.2010)

Le dernier tango à Téhéran

Depuis une semaine la presse occidentale focalise sur le dernier tango brésilien, orchestré à Téhéran par le maestro Luiz Ignacio Lula da Silva, et le grand distributeur-compositeur Rajab Tayeb Erdogan, tous les deux soucieux de sortir le monde entier du guêpier iranien, et apaiser les esprits. Et ce, pendant que les armées de l’Occident traquent en vain les talibans en Afghanistan et les compagnons de l’énigmatique Oussama Ben Laden, disséminés aux quatre coins du monde.

Les réactions

Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon a admis que cet accord était encourageant, en avisant que Téhéran devait malgré tout, se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité. Sinon l’ONU perdra, en quelque sorte, sa raison d’être, surtout quand le ministre des affaires étrangères turc juge qu’ « il n’y a plus besoin de sanctions » contre l’Iran, et quand le ministre des affaires étrangères brésilien, avise que l’accord de Téhéran démontre notoirement que le « temps est toujours à la diplomatie et la négociation ».

Catherine Ashton la chef de la diplomatie européenne, trouve que l’accord répondait « partiellement » aux demandes de l’AIEA, soutenue par les gouvernements français et allemand qui ont avisé que cette « entente » ne pouvait remplacer un accord entre Téhéran et l’AIEA.

Le Britannique Alistair Burt, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, a déclaré  dans un communiqué : « L’Iran a l’obligation d’assurer la communauté internationale de ses intentions pacifiques ». De point de vue britannique, »L’Iran reste une sérieuse source d’inquiétude« , rejoignant ainsi le président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy, dans sa récente déclaration: « Notre position n’a pas changé, nous sommes très préoccupés par le programme nucléaire iranien« …

« Nous prenons acte des efforts consentis par la Turquie et le Brésil« , selon Robert Gibbs, le porte-parole de la Maison Blanche, soulignant toutefois que l’accord de Téhéran devait être « soumis à l’AIEA avant être évaluée par la communauté internationale« (…).  Le voisin russe, le président Dimitri Medvedev a rejoint la position américaine en déclarant qu’ « Il faut saluer ce qui a été accompli par le Brésil et la Turquie« , et qu’ « Il faut mener des consultations immédiates avec toutes les parties intéressées y compris l’Iran« . Le gouvernement d’Israël dénonce ce qu’il appelle » les manœuvres » de Téhéran et accuse: « Les Iraniens ont manipulé la Turquie et le Brésil« . Il pense néanmoins que cet accord va « singulièrement compliquer les choses« .

Albaradaï

Dans une déclaration récente sur France 24, Mohamad Albaradaï l’ex-directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, croit « qu’il s’agit d’un bon accord« , rappelant qu’il a «  toujours dit que la résolution du dossier iranien passait par l’instauration d’un climat de confiance »… Il assure que « Le régime iranien est prêt à discuter« , et confirme « que Barack Obama est prêt à discuter (…) en se référant  à  ses entretiens, il y a quelques mois, avec ces deux chefs d’État (Ahmadinejad et Obama). « Bien sûr, aucune partie ne veut céder du terrain avant les négociations, mais je crois que les deux sont déterminés à négocier. Et je crois qu’avec cet accord, les conditions sont réunies pour s’engager dans des négociations globales« , selon M. Albaradeï, l’ancien patron de l’AIEA.

Les pays émergents

Depuis l’éclatement de la crise monétaire mondiale il y a deux ans, et l’élargissement inévitable du G8, les grandes puissances, en particulier les puissances européennes, voient d’un mauvais œil l’émergence d’une bonne dizaine d’états, tel le Brésil, l’Iran, l’Inde, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, la Turquie, la Malaisie… qui luttent pour faire valoir leur droit et leur puissance. Or, les Etats-Unis d’Amérique, la Russie et la Chine malgré ses nuances, se cachent malicieusement derrière l’initiative entreprise par le Brésil et la Turquie, et qui a abouti à la conclusion de l’accord de Téhéran, selon les observateurs avisés.  Dernièrement, vers la mi-février, le célèbre International Herald tribune préconisait dans son éditorial : « Si le conseil de sécurité de l’ONU ne parvient pas à s’entendre sur des sanctions, il faudra que les Etats Unis et ses alliés prennent des sanctions de leur côté… Trop c’est trop. Il faut que l’Iran comprenne que son enrichissement aura un coût« , avant de recommander: « L’Iran est suffisamment déstabilisé en ce moment pour que les sanctions aient de l’effet… Il faut que les Etats-Unis et leurs alliés préparent dès maintenant leur plan B « . Mais qui va pouvoir déterminer le volume et la qualité de ce coût… ?  (21 mai 2010)

La Turquie à mi-chemin

Selon un vieux dicton persan, « Adam et Eve parlaient d’amour en persan, mais l’ange qui les chassait s’exprimait en turc ». Cependant les Turcs pensent que « la beauté est circassienne, la richesse est française, mais la majesté est osmanlie. » La Fontaine nous enseigne dans le Rat et l’Huître… « Tel est pris qui croyait prendre », et dans le Coq et le Renard…« C’est un double plaisir de tromper le trompeur ».

Le sursaut turc

Depuis sa création, l’Etat d’Israël avait au Moyen Orient, deux alliés solides et pesants, sur lesquels il pouvait compter politiquement, militairement et économiquement, dans son conflit avec les palestiniens et les autres pays arabes : la Turquie kémaliste, musulmane sunnite, et l’Iran du Chah, musulmane chiite.  Depuis l’avènement il y a trente ans de la révolution des Ayatollahs en Iran, Israël devait perdre inéluctablement le soutien de ce grand pays. Est-il en train de perdre actuellement l’amitié et l’appui de son second allié, la Turquie ? La Turquie a-t-elle vraiment changé de visage et de stratégie presque cent ans après la prise du pouvoir par un certain inspecteur général de l’armée, Moustapha Kemal surnommé Atatürk, et l’instauration d’un régime politico-militaire prônant la laïcité ? Dans un monde qui bouge, l’Iran s’est réconcilié avec un certain passé et la Turquie a réussi son virage, face à un Etat Israélien qui n’a pas pu s’adapter aux nouvelles donnes.

Tête de Turc

La place qu’occupe la Turquie sur l’échiquier international est indéniablement forte, tout particulièrement depuis l’arrivée au pouvoir du parti islamo-conservateur AKP qui a su conserver tous les bons acquis de l’héritage kémaliste et saisir toutes les occasions et autres opportunités qui se présentaient sur la scène internationale: il a développé sa puissance économique, a maintenu sa Tète de Turc face à l’Union Européenne, a renforcé ses positions au sein de l’Otan, s’est réconcilié avec le monde arabo-musulman et s’est préposé comme médiateur équitable dans le conflit israélo-palestinien. Et ce n’est certainement pas le hasard qui a conduit Barak Obama à choisir la Turquie pour se rendre pour la première fois en tant que président des Etats-Unis, au Moyen Orient et prononcer son premier discours de réconciliation avec le monde arabo-musulman… !

Ont-ils réussi ?

Apres avoir réussi à asseoir un pouvoir politico-économique sur le plan intérieur, malgré les soubresauts des militaires nostalgiques, le tandem Erdogan-Oglou ont semble-t-il, tenu un copieux agenda et se sont fixés des objectifs à atteindre progressivement, en misant avant tout sur la confiance et le soutien de l’establishment américain… et surtout en réglant séparément ou globalement, tous les litiges qui l’opposaient historiquement à ses voisins proches : la Syrie, l’Iraq, l’Iran, les Kurdes, les Arméniens et les Grecques, avant de prendre ses positions qui paraissent si claires et nettes à l’égard de conflit israélo-palestinien. Ont-ils réussi ? Oui dans la mesure où l’entente qui règne au sein du trio Turquie-Syrie-Iran est, parait-il, équitable et salutaire, où le litige qui entachait les relations gréco-turques est définitivement réglé, et où les pourparlers avec les Kurdes et les Arméniens sont plutôt positifs malgré toutes les apparences trompeuses.

Le Grand défi

L’entente cordiale si célèbre entre la Turquie et Israël remonte à l’année 1949, quand la Turquie fut le premier état musulman au monde, à reconnaître Israël créé de toutes pièces un an auparavant, défiant ainsi le monde arabo-musulman. Depuis cette date, les relations bilatérales sur tous les plans, diplomatiques, économiques et militaires sont réputées être très solides, surtout depuis la signature en 1966 d’un traité militaire donnant la possibilité entre autre à l’armée israélienne d’utiliser l’espace aérien turc pour ses entraînement. Mais les temps ont profondément changé, depuis l’attaque meurtrière de l’armée  israélienne contre le peuple libanais en 2006, celle encore plus sauvage contre les palestiniens de la bande de Gaza soumis à un blocus accablant, dressé sévèrement  depuis trois ans contre un million et demie de palestiniens. Reste à savoir si le gouvernement turc a obtenu l’aval de l’administration américaine pour réprimander le gouvernement israélien, du moins trouver une issue à un blocus que le monde entier trouve honteux, y compris les juifs de la diaspora ! Or les observateurs avisés affirment que la Turquie a agi de la sorte en s’appuyant sur quatre facteurs :

– les israéliens ont effectivement perdu la raison ces dernières années

– un feu vert américain de la part d’un président agacé voire exaspéré par les exigences d’un gouvernement israélien intraitable

– le soutien des peuples arabes et musulmans déçus par l’inertie voire la mollesse de leurs gouvernements

– le nombre des volontaires turcs (460) montés à bord de la flottille attaquée par l’armée israélienne et le nombre des victimes notamment turcs qui sont tombées sous le feu des assaillants israéliens.

C’est l’occasion à ne pas manquer pour la nation turque, qui va lui permettre de retrouver les temps glorieux des ancêtres osmanlis, dit-on.    (8.6.2010)

Exorciser le passé

«Comment oublier cet héritage commun, pourquoi renier ce qui nous unit au profit d’une politique qui nous sépare», écrit Nada Raphaël. «Vous savez, je pense qu’on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité, ici», témoigne la grand-mère de Zeina Abirached. Il s’agit de deux jeunes libanaises vivants au Canada et en France, Nada Raphaël et Zeina Abirached qui ont tenu à exprimer à travers leurs chefs d’œuvre respectifs, leur attachement à un Liban en pleine réconciliation , et leur volonté d’aider les Libanais, surtout les jeunes,  à exorciser le passé et exhausser l’avenir.

Trait d’union

Nada fut étonné lors d’un séjour touristique passé au Liban, que les Libanais sont accessibles, voire affables, pour parler, à la fois, de leurs petites guerres et de leurs vieilles querelles. Mille Histoires racontées par des gens qu’elle a croisés aux quatre coins du Liban (1050 localités) et dans la diaspora libanaise de Montréal. Mille photos de personnes, de paysages, de mythes, de lieux sacrés qu’elle a décidé d’immortaliser dans un livre, avec pour titre «Trait d’union Islam-Christianisme» aux Editions Electrochocs.

Nada et ses amis ont erré à travers les huit Mohafazats-départements du Liban, et ont rencontré toutes sortes de personnes qui ont exprimé librement leurs opinions, ont évoqué ouvertement leurs propres souvenirs, et ont raconté leurs expériences respectives. Ce n’est pas un essai sociopolitique, ni une étude académique, mais plutôt un recueil de témoignages plus ou moins confidentiels, enrichis de photos magnifiques et révélatrices.

Nada conclut avec son sourire angélique, que le peuple libanais, et malgré toutes ses guerres et ses souffrances, «garde au fond de lui une force de vie et une ouverture fascinante» ? Rencontrer, dialoguer, espérer, partager, se retrouver et cohabiter, à la recherche d’un meilleur avenir, comme partout où il ya eu et il y aura des conflits et des guerres. «A chaque coin de rue, nous avions du mal à quitter ceux et celles que nous venons de rencontrer», avoue pieusement dans son prologue avant de conclure : Un reflet comme un trait d’union. Un trait d’union, comme une relation…Comme un intermédiaire… Comme une passerelle… Comme une invitation… Comme un lien… 

Mourir, partir, revenir

Mourir, partir, revenir… tel, le Jeu des Hirondelles, aux Editions Hatem, est une bande dessinée, chef d’œuvre d’une artiste écrivaine libano-française  Zeina Abirached, récompensée et traduite en plusieurs langues, alors qu’elle est encore méconnue, ou bien ignorée dans son pays d’origine. Le jeu des Hirondelles est le fruit d’une sensibilité humaine, nourrie à son tour d’une expérience ardemment libanaise, et dotée d’une forme artistique contemporaine, voire même avant-gardiste. Dans son ouvrage, Zeina Abirached raconte son enfance, vécue dans des appartements situés sur la ligne de démarcation si célèbre à Beyrouth durant la guerre civile. Elle opte pour le style autobiographique pour exprimer ses émotions, vécues comme tous les Libanais qui ont subi de prés les horreurs de cette guerre fratricide. Ses personnages sont authentiques, mais ne portent aucune étiquette politique et ne proclament aucune appartenance confessionnelle. Pour une fois, ils sont tout bonnement libanais. C’est un ouvrage qui s’adresse, en même temps, à la nouvelle génération née depuis la fin de la guerre civile, il y a vingt ans, et qui n’a pas vécu ni connu toutes ces peurs et autres frustrations,… et aux parents et instituteurs qui ne savent pas par ou commencer, ni comment s’y prendre, pour répondre aux plus simples questions, comme aux grandes interrogations que leur posent leurs enfants et élèves, au milieu de tous ces événements et autre conflits survenus durant cette dernière décennie. «Le dialogue à l’école et dans les familles pourra ainsi faire naître une parole libératrice sur les souffrances subies afin d’ouvrir la voie à une réelle réconciliation» selon la conclusion du Dominique Renard, professeur de Lettres à l’Académie de Grenoble. Mais sommes-nous déterminés à exorciser le passé et exhausser l’avenir ? (23.4.2010)