Le retour à Babylone

« Il faut faire connaître des œuvres montrant la parenté des juifs et des musulmans, car les musulmans ont aussi souffert du colonialisme et de l’humiliation. Il faut le faire savoir afin que chacun connaisse mieux l’autre ». (Serge Klarsfeld le 7 février 2010 à Bagdad). Or ce sont les arabes, chrétiens et musulmans, qui ont tant souffert du colonialisme franco-britannique quand ce dernier présentait aux juifs sionistes fuyant l‘Europe, la Palestine sur un plateau d’argent, depuis la mise en application des Accords Sykes-Picot en 1918, et jusqu’à nos jours.

Du Nil à l’Euphrate

Selon l’AFP, l’historien français de la déportation des juifs par les nazis, Serge Klarsfeld clôturait une série de conférences sur la Shoah, qui l’ont conduit à Tunis, au Caire, à Amman, à Istanbul, à Rabat, à Jérusalem et Nazareth dans le cadre du projet Aladin lancé en 2009 sous le parrainage de l’Unesco, visant principalement à combattre le négationnisme dans les pays arabes et musulmans. L’auteur de plusieurs ouvrages notoires sur la « solution finale » du nazisme européen, a exhorté juifs et musulmans à prendre conscience de leurs souffrances respectives (!) pour mieux se connaître. Mais le négationnisme n’a jamais posé de problème aux peuples arabes et musulmans, qui n’ont rien à nier, ni à approuver… ! Et ce, parce qu’ils ne se sentent pas concernés par les souffrances que les juifs européens ont enduré dans leur pays d’origine durant des siècles passés. Je me demande si M. Klarsfeld a-t-il été reçu avec les mêmes égards dans chacune de ces capitales arabo-musulmanes, et pourquoi a-t-il ignoré Beyrouth et Damas ? Peut-être parce que les arabes chrétiens de ces deux pays n’ont pas oublié encore que « Les pharisiens hypocrites filtrent le moustique et avalent le chameau » (l’Evangile selon St. Mathieu).

Le vrai dialogue

« L’interrogation permanente était de savoir comment ce génocide avait pu avoir lieu et comment se fait-il que les Israéliens agissent de la manière dont ils agissent » à l’égard des Palestiniens, a-t-il dit lors de sa conférence à la résidence de l’ambassadeur de France à Bagdad, ajoutant : « mais je comprends que ceux qui ont subi les colonialismes anglais ou français voudraient qu’on parle aussi de leurs souffrances et de ceux qui souffrent de la présence israélienne sur ce qu’ils considèrent comme leur terre ». A mon tour, je considère que l’usage du verbe « considérer » par Me Klarsfeld est regrettable pour un médiateur qui prétend conduire un vrai dialogue.

Aladin ou la lanterne magique

En effet, M. Klarsfeld agit dans le cadre d’un projet dénommé « Aladin » qui a édité en arabe et en persan plusieurs livres sur la Shoah, en incitant à  la tolérance. Pour sa part, M. Abe Radkin, directeur exécutif du projet Aladin devait déclarer, à propos de sa dénomination : »Nous l’avons fait car Aladin c’est la lanterne magique (…) c’est la lumière, et la lumière c’est la connaissance ». Or les Levantins croient plutôt aux lumières des miracles  et se méfient des solutions magiques, car  « Le miracle est l’enfant chéri de la foi, » selon Goethe (1808)…et « La foi transporte les montagnes, »  (l’Evangile selon St. Mathieu). Et c’est cette foi qui anime depuis bientôt  cent ans, l’esprit et l’action de tous ces combattants pour la liberté, l’égalité et la fraternité en Palestine, au Liban, en Iraq et ailleurs dans ce Proche Orient meurtri, à la recherche d’une paix juste et globale. Il faut cesser de demander aux victimes d’être tolérantes quand leurs bourreaux allongent leurs souffrances et persistent dans leur humiliation.

L’Imperium islamique

Enfin, « Histoire de l’antisémitisme de Mohamed aux Marranes » de Léon Poliakov, dans la Collection « Liberté de l’esprit » dirigée par Raymond Aron, chez Calmann-Lévy, est un ouvrage que doit sûrement lire, toute personne soucieuse de connaître le profitable parcours des juifs de l’Imperium islamique: de la péninsule arabique à la Mésopotamie abrahamique, du règne des Omeyades à l’Espagne des trois religions, en passant par l’Afrique du Nord. Ainsi ils cesseront peut-être, d’accuser leurs cousins arabes d’antisémites ! Et les Occidentaux, descendants des Croisés et enfants légitimes de l’Inquisition, cesseront aussi de prêcher aux héritiers de la civilisation arabo-musulmane, la tolérance à l’égard des juifs, anciennes victimes, et durant  des siècles, des ghettos et autres pogroms européens.  (26.2.2010)

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