C’est avec beaucoup d’humilité et de sincérité que je présente ce bouquet de citations à son excellence M. Ghaleb Ghanem le président du Conseil Supérieur de la Magistrature: La justice, c’est de donner à chacun son dû (Simonide de Céos, cité par Platon). Platon nous enseigne aussi dans sa République : le bon juge ne doit pas être un jeune homme ; il faut qu’il soit vieux et qu’il est acquis une connaissance de l’injustice. Les Allemands disent: les juges doivent avoir de grandes oreilles et de petites mains. Les Anglais répètent souvent : qui endosse la robe du juge doit oublier sa personne privée. Le renard doit être récusé du jury qui juge la poule. La justice rendue pendant une heure vaut mieux que la fréquentation des temples pendant une année (Henry de Saint-John 1750). Et les Russes pensent que ce n’est pas la loi qu’il faut craindre mais le juge. Avec la justice, vous pouvez faire le tour du monde ; avec l’injustice, vous ne pouvez pas franchir le seuil de votre maison. Il faut trois sacs à un plaideur : un sac de papiers, un sac d’argent, et un sac de patience… selon le penseur français P-M. Quitard (1860). Enfin les arabes clamaient par le passé: Malheur à la génération dont les juges méritent d’être jugés.
Entre le matinal et le vespéral
Ghaleb Ghanem devait ce jeudi 15 octobre, prononcer deux discours :
-le premier matinal, au Palais de justice, en présence du président de la République Michel Sleimane, du président du Parlement l’avocat Me Nabih Berri, du président du Conseil des ministres sortant Fouad Señora, le ministre de la Justice le professeur émérite Ibrahim Najjar, et un bon nombre de magistrats et d’avocats… à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle année judiciaire.
-le second vespéral, à l’UNESCO devant une assemble d’hommes de lettres et de femmes distinguées, en tant que représentant du Chef de l’Etat, pour commémorer le souvenir d’un ami à son père Abdallah Ghanem, un homme qui a marqué son temps, le Cheikh Ibrahim Almounzer (1875-1950) l’homme de lettres, l’instituteur, le magistrat et l’homme d’Etat.
Dans le premier discours il a échangé avec le Chef de l’Etat, le ministre de la justice et le Bâtonnier de Beyrouth Me Ramzi Jreige, les propos coutumiers dits et répétés depuis des années… c.à.d. depuis les débuts de la guerre civile en 1975 jusqu’à nos jours. Dans le second, il était plus éloquent, plus évocateur car il était question d’un passé glorieux quand le Liban pullulait de vrais hommes, des hommes qui incarnaient les grandes valeurs et défendaient les justes causes.
La justice est souveraine
Les propos du Président Sleimane étaient clairs : « Si le devoir de l’État est de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, la responsabilité principale incombe au juge qui doit respecter (et faire respecter) son serment, loin, très loin de toutes les influences politiques et des intérêts personnels. Si le devoir de l’État est de renforcer l’immunité du juge sur le double plan professionnel et social (!) Il reste que l’une des premières obligations du juge est de poursuivre son instruction et de renforcer sans cesse son immunité », a ajouté le chef de l’État. Pour le président de la République, « l’État doit assurer aux citoyens, la liberté et l’égalité dans tous les domaines », et c’est « la Justice qui organise (et maintient) la relation entre la justice et l’égalité, et garantit l’équilibre entre ces deux principes… La justice est, pardessus tout souveraine, contrairement aux autres principes, car elle est absolue, alors que la liberté connaît des limites ».
Sauver l’essentiel
Mais que doit faire le magistrat, si l’Etat s’avère déficient pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et incapable de renforcer l’immunité du juge ? Se croiser les bras, ou bien se laisser emporter par la vague ! Non et mille fois Non… ! Car nos illustres ancêtres, nos martyrs dont le sang n’a pas encore séché, ainsi que nos petits enfants ne méritent pas cela. Si l’Armée nationale est sans doute le dernier rempart pour sauvegarder dans l’état actuel, notre unité national…, vous êtes, mesdames messieurs, plus que jamais notre dernier recours pour sauver l’essentiel, « la dignité de l’homme » au Liban et pour pouvoir distinguer « la frontière qui sépare la justice de l’injustice ». (23.10.2009)