L’entente libano-palestinienne est-elle possible?

Le Centre Issam Farés pour les Affaires Libanaises situé à Sinnelfil, a organisé un séminaire sur la situation accablante qui prévaut plus que jamais, dans les camps de refugiés palestiniens au Liban, avec l’intention de trouver des solutions équitables et acceptables par les deux parties, libanaise et palestinienne. Ont participé massivement à cette rencontre des ministres, des députés, des ambassadeurs, des hommes politiques libanais de tout bord, des chercheurs compétents et divers responsables palestiniens qui ont, le 17 et 18 octobre dernier, exposé et échangé librement leurs points de vue. En guerre comme en amour, pour en finir il faut se voir de près…, disait  Napoléon 1er.

De l’entente à la réconciliation

Deux ans après la chute du camp Albared, et un an après les excuses présentées publiquement par les uns et les autres, et la création d’un Comité de liaison et de travail commun entre le gouvernement libanais et l’ambassadeur Abbas Zaki représentant l’Autorité Palestinienne, et vu le climat politique consensuelle qui prédomine au Liban, allons-nous voir établir bientôt une réconciliation franche et effective entre les libanais et les palestiniens ? C’est dans ce contexte et suivant les directives de l’ancien vice-président du Conseil des ministres Issam Farés, que le directeur du centre qui porte son nom, l’ancien ambassadeur Abdallah Bouhabib a estimé utile et profitable d’organiser un débat ouvert et sincère entre les protagonistes rapprochant ainsi leurs points de vue et dissipant toute sorte de frayeur ou de suspicion.

L’état des lieux

Premier constat : de 1949 à 1969 (les accords du Caire) la présence des palestiniens au Liban était plutôt bénéfique, par contre de 1969 à 1989 (les accords de Taef) l’agitation des palestiniens était surtout maléfique, voire dévastatrice pour les deux parties. L’avènement  en 2007 de ce que nous avons convenu d’appeler « la guerre du camp Nahr el-bared » entre l’armée libanaise et un groupuscule palestinien brandissant la bannière d’un Fath el-islam, et qui a abouti à la destruction inévitable du camp, et la dispersion de ses habitants… a brisé le calme qui commandait malgré tout, le statuquo dans les relations libano-palestinienne depuis 1989.

Deuxième constat: l’UNRWA avance notoirement le chiffre de quatre cent vingt six milles palestiniens supposés résider au Liban. Mais des sources non moins sérieuses, affirment qu’au minimum, la moitie ont déserté depuis longtemps le pays des cèdres.

Troisième constat : combien le Liban peut-il continuer à accueillir sur son sol de refugiés palestiniens, en plus des soixante quinze milles qui ont profité il y a environ dix ans, des deux fameux décrets de naturalisation massive ordonnés par le gouvernement libanais…?

Dans l’attente d’une solution juste et globale

Que peut faire le Liban, malgré tous les handicaps qu’il doit assumer, pour aider les palestiniens à améliorer leur existence, lui qui ne s’est jamais préoccupé sérieusement de réglementer l’établissement des refugiés palestiniens sur son sol depuis leur arrivée en 1949 jusqu’à nos jours… ? Or le pays des cèdres compte au moins cinq millions de libanais, y compris ceux qui ont fui les multiples « guerres civiles » depuis 1975, pour s’installer temporairement  dans des pays proches ou lointains. De ce fait, le nouveau gouvernement libanais « d’union nationale » doit solliciter le plutôt possible l’aide financière des pays arabes riches, pour aider les palestiniens vivant actuellement au Liban à jouir d’une vie digne et profitable pour tous, dans l’attente d’une solution juste, globale et satisfaisante pour tous les peuples de la région, avec ou sans le soutien tant attendu des Américains. Nourrir les hommes sans les aimer, c’est les traiter comme du bétail vil ; les aimer sans les respecter, c’est les considérer comme des animaux favoris (Mencius, de l’Antiquité chinoise)   (20.11.2009)

En quête de notre identité nationale

Tous s’accordent au Liban pour reconnaître que l’Etat Libanais existe bel et bien depuis 1920, et que la République Libanaise est reconnue effectivement depuis 1945  par l’Organisation des Nations Unies et la Ligue des Etats Arabes. Parallèlement, le monde entier, y compris les libanais eux-mêmes, admettent chacun à sa façon, que le libanais ne s’identifie pas en tant que citoyen appartenant à une communauté nationale ; et ce, malgré toutes les souffrances communes qui n’ont épargné personne, du moins depuis 1975 jusqu’à nos jours. Si les vertus vous concèdent des titres, les souffrances vous donnent des droits.

Les symboles

Pourtant, les symboles de l’identité nationale libanaise sont indiscutablement présents. Les Libanais œuvrent depuis soixante six ans, pour une république indivisible démocratique, indépendante et libérale. Ils l’ont doté d’un pouvoir central, et d’un système politique parlementaire assez représentatif. Les services publics, dont la Sécurité sociale, l’Ecole publique et les Hôpitaux publics, bien que branlants, occupent le terrain et remplissent leur rôle contre vent et marais. Les Libanais sont indéniablement attachés à leur montagne, encensent leurs cèdres millénaires, chérissent leur drapeau, tonnent tout haut leur hymne national, parlent remarquablement l’arabe la langue de leurs ancêtres…mais glorifient leurs martyrs selon leur étiquette politique partisane, ou bien leur appartenance confessionnelle et tribale.

Trop beau pour être vrai 

Les politologues s’accordent avec les juristes, les économistes et autres sociologues, pour dire que le Liban est un pays pas comme les autres, voire trop beau pour être vrai, et que les Libanais sont uniques. Pourtant les libanais appartiennent comme chez la plupart des peuples du Tiers monde, à des confessions diverses, parlent une deuxième langue étrangère, et sont fanatiques, xénophobes, et  chauvins, surtout en temps de crise. Le Liban est convoité depuis toujours, par les puissances régionales et mondiales  pour sa situation géographique et climatique,  comme le sont les autres pays pour leurs richesses minières.

Un nouveau consensus

En effet, c’est l’ensemble de la classe politique libanaise, dominante depuis 1945 jusqu’à nos jours, qui doit reconnaître ses torts, discrètement ou clairement, et assumer ses responsabilités. Car le peuple libanais est épuisé, voire ruiné, après toutes ces décennies de sacrifices et de souffrances. Les Libanais, disons-le, voudraient maintenant entendre un discours nouveau, assister à un dialogue politique sincère et un débat constitutionnel cohérent, et que cessent toutes ces polémiques dévastatrices. Ils voudraient aussi, voir leurs dirigeants donner le bon exemple, rétablir leur image de marque, renouer avec les bonnes dispositions institutionnelles, et parvenir à générer un nouveau consensus national, avant d’appeler la population « à rejoindre l’Etat ».  (27.11.2009)

Quand les temps pressent… !

«Le temps mûrit toutes choses; par temps toutes choses viennent en évidences; le temps est père de vérité», écrit Rabelais en 1546. «Il faut donner du temps au temps», proverbe cité par Cervantès en 1605. «Le temps est un grand maître, il règle bien des choses», nous dit Corneille en 1662. «Le temps guérit les douleurs et les querelles», écrit Pascal dans ses Pensées en 1670. Et les Russes croient que «le temps ne s’incline pas devant nous, mais nous devant le temps».

Les temps qui changent révèlent, couvrent et découvrent toutes choses. Il y a ceux qui saisissent les temps qui changent, et ceux qui trainent le pas, croyant ainsi pouvoir retourner la situation en leur faveur, sinon chercher à captiver l’attention du monde entier. Ceux-là ne se soucient guerre de ce que pensent les autres, tous les autres ! «À se cogner la tête contre les murs, il ne vient que des bosses», écrit G. Musset dans Proverbes de Saintonge en 1897.

Les temps qui pressent

Depuis le lendemain des élections législatives qui nous ont dévoilé tant de vérités, tout bouge au Liban et change dans la bonne direction: une réelle entente entre les présidents de la République, du Parlement et du Conseil des ministres d’une part, conciliation et débats à cœur ouvert entre les dirigeants politiques du pays d’autre part. En même temps, les dirigeants arabes les plus influents ont aussi entamé une série de réconciliations, pour faire face, dit-on, aux bouleversements survenus sur la scène internationale, et assumer enfin leurs parts de responsabilité tant délaissée depuis 1991.

La vérité

Notre jeune président du Conseil des ministres Saad Rafic Hariri a choisi le moment et la manière qui lui conviennent pour se rendre à Damas et rencontrer le jeune président syrien Bachar al-Assad, alors que des chefs politiques libanais persistent dans leurs surenchères. Certes, chacun a le droit de désapprouver cette démarche, pourtant si salutaire pour tous, en particulier pour la majorité des Libanais. Mais Il me semble que Saad Hariri pense avec Samuel Butler (1872), que « La vérité, comme la religion, a deux ennemis, le trop et le trop peu », et croit comme Voltaire (1761), que « La vérité est un fruit qui ne doit être cueilli que s’il est tout à fait mûr ».

(27.12.2009)