Une valse à quatre temps

Le spectacle continue sans que personne ne baisse les bras. A chacun sa valse, même si tous sont en train de trébucher. Et le taureau est seul dans l’arène, entouré de plusieurs toréadors, matadors et autres picadors. Les spectateurs attendent bouche bée depuis deux mois sans que personne ne parvienne à tuer la bête noire et faire couler son sang rouge, comme le rouge de leur étendard et autres banderoles. Du baroud contre le Baroud, du basilic contre le Basil, la joie de vivre chez le marchand de la soie contre la sagesse d’un Sleimane, et presque tous les anges de Dieu ont décidé d’assaillir le pays des cèdres.

Du surréalisme

Les habitants du Mont-Liban ont inspiré vers la fin du XIXème siècle un certain voyageur, le narrateur français Gérard de Nerval qui fut happé par un autre écrivain français André Breton. Des hommes de lettres libanais tels Yousef el-Khal, Onçi el-Hage et Paul Chaoul ont repris le flambeau, sans se rendre compte, ou bien pressentir que presque toute la classe politique libanaise allaient plus tard baigner dans le surréalisme pour pouvoir duper tout un peuple.

Une valse à quatre temps

Observons ensemble cette valse à quatre temps soigneusement menée par son excellence l’ambassadrice du géant américain, main dans la main, avec ses collègues les représentants du Pharaon d’Egypte, du majestueux roi du désert d’Arabie et du président français le laïc Nicolas le grand, alors que le sang bouillonnant des damnés et autres maudits, continue à couler un peu partout dans ce vaste et riche Moyen-Orient.

 Trop beau pour être vrai

J’ai entendu dire cette phrase pour la première fois à Strasbourg, il y a presque quarante ans, à la suite de mon exposé  sur le Liban havre de paix et de liberté. Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps après, pour découvrir que celui qui a prononcé cette troublante phrase, mon  camarade de classe, un juif sioniste, avait totalement raison. Plus tard j’ai compris que tout le monde chérissait le Liban et voudrait l’accaparer avec ou sans les libanais. J’ai aussi compris que le Liban, à l’instar de tous les autres mini-états apparus depuis un siècle, avait à sa naissance deux mères et plusieurs parrains et marraines. Qui partage le miel avec l’Ours a la plus petite part (Th. Fuller 1732). (28.8.2009)

Les intérêts de tout le monde… !

Mr. Javier Solana le diplomate en chef de l’Union européenne, après avoir rencontré, au moins une demi douzaine de nos responsables politiques, s’est joint à la chorale pour assurer tous les Libanais que leur nouveau gouvernement naîtra très bientôt. Et il a affirmé que ce gouvernement servait les intérêts de tout le monde. Il a aussi saisi l’occasion pour mettre le doigt sur la grande plaie et aller au fond du problème en déclarant avant son départ de Beyrouth: j’espère que la communauté internationale et Israël arriveront à trouver un moyen pour assurer le retour des refugiés palestiniens sur leur terre.

Messieurs « tout le monde »

Un lecteur novice me demanda: mais qui sont ces messieurs « tout le monde » ? Le peuple libanais figure-t-il dans cette rubrique ? Je ne le pense pas, du moins pour le moment. Le monde se lasse facilement de ceux qui ont commencé à se lasser de lui (le Chancelier suédois Oxenstiern 1583-1654). D’une part, La glace est brisée entre Hariri et Aoun. Joumblatt soutient, bon gré mal gré, les efforts de Saad Hariri. Geagea s’est calmé. Le Hezbollah est imperturbable. Nabih Berri se contente de marquer des points sans démasquer les faux jetons. Ailleurs, Aoun résiste, soutenu indirectement par le Concile des Evêques maronites qui a haussé le ton lors de sa réunion mensuelle.

Au bal masqué

En effet, tout le monde est appelé à se rendre au bal masqué, à entrer dans la ronde, et à danser jusqu’à l’ivresse. Autrement dit, tout le monde doit se préparer soigneusement et scrupuleusement à rejoindre la grande Chorale, pour chanter tout haut le nouvel hymne à la joie et la paix, un nouveau cantique des cantiques. Rien ne presse semble t-il. Or les pourparlers et autres négociations multilatérales entre américains, européens, syriens, saoudiens, égyptiens, turcs, israéliens, et iraniens exigent beaucoup de temps, de patiente et de savoir faire de la part de tout le monde, car leurs intérêts sont en jeu.

Attendre et voir venir

L’attente que nous nourrit l’espoir n’est pas une véritable attente…et attendant un peu pour finir plus vite, disent les anglais. A qui sait attendre, le temps ouvre ses portes, disent les chinois. Mais dans l’attente, les Généraux libérés font exploser les anciennes mines au Liban. Deux anciens ministres israéliens ont été récemment écroués pour purger des peines de prisons pour corruption, et le procès pour viol et harcèlement sexuel de l’ex-président Moshé Katzav continue à Tel-Aviv, alors que le peuple d’Israël ne saura jamais s’il avait gagné la bataille ou perdu à la guerre de 1982 à 2009. Le président égyptien Hosni Moubarak s’acharne à assurer lui-même sa succession. Le président syrien Bachar el-Assad continue à tirer ses marrons du feu. Le régime saoudien couve royalement ses secrets de polichinelle. Et enfin, Barak Obama comme son collègue Michel Sleimane, ont réussi leur iftar pour faire progresser le dialogue et la cohésion entre les diverses communautés et classes sociales de leurs pays, en vue de préserver et assurer les intérêts de tout le monde. Les vertus se perdent dans l’intérêt, comme les fleuves dans la mer (La Rochefoucauld 1665). (4.9.2009).

Yoakim Moubarak … le retour d’un saint homme

Mon âme a tremblé de joie et mon cœur a frémi, quand mes bons amis m’ont appelé pour m’annoncer le retour du Père Yoakim Moubarak, et m’ont invité à accueillir avec eux son corps dans son Kafarsgab natal où il a souhaité reposer auprès de ses semblables, les Cèdres millénaires  du Liban.

Liberté chérie

C’était un homme libre, qui prêchait la liberté de l’esprit, la liberté d’entreprendre… la liberté d’aimer l’autre. Fils du curé de son village, il a donné à sa propre mission une dimension à la hauteur de son vingtième siècle, avant de s’inscrire en tète de liste de notre vingt et unième comme un pionnier, un défricheur et un bâtisseur. Il croyait que le nouveau siècle serait spirituel ou ne le serait point. Il avait le droit de parler seulement aux intellectuels et aux universitaires, parce qu’on lui a presque interdit de s’adresser au peuple. Qui parle sème et qui écoute récolte… et Père Yoakim était plutôt un semeur, parce qu’il a été un grand lecteur, et la voix du seigneur retentissait souvent dans ses oreilles. Mais le bon sel pique, disent les Espagnols.

La petite histoire

Il avait beaucoup de petites histoires à raconter. Il aimait aussi écouter celles des autres… ces histoires qui portent en elles l’essentiel. Un jour il m’a demandé: où tu as puisé tes connaissances de l’Islam ? Son visage s’est éclairci d’un beau sourire quand je lui ai répondu: mon grand-père maternel Abou Afif, un homme pieux, qui m’a offert le jour où j’ai obtenu mon Certificat d’études primaires, deux précieux  livres, l’Evangile et le Coran… et m’a conseillé de prendre tout le temps nécessaire pour les lire. Ensuite j’ai eu la chance d’écouter les discours et lire les ouvrages de Monseigneur Georges Khodr et du Cheikh Sobhi Saleh, et de bien d’autres.

Un homme bon

Père Yoakim pensait avec Marivaux (Le Jeu de l’amour et du hasard 1730), que dans ce monde il faut être un peu trop bon pour l’être assez… alors qu’au fond de son âme il savourait avec J. Joubert (1754-1824) qui avait dit un jour: c’est un bonheur, une grande fortune d’être né bon. La bonté chez Père Yoakim, devait rejoindre l’intelligence pour pouvoir exceller et permettre au savant d’être à la fois simple, sincère, humble et sage. Il croyait avec Platon que la simplicité véritable allie la bonté à la beauté.

Reconnaissance et fidélité

Le retour du corps du Père Yoakim doit inspirer et inciter tous ses  disciples et autres adeptes, à se constituer en comité associatif pour défendre et promouvoir le grand héritage qu’il nous a gracieusement  légué. Nous lui devons reconnaissance et fidélité.  (11.9.2009)

Qui s’excuse s’accuse

Ramadane et le Carême ne suffisent plus pour stimuler l’âme et calmer les esprits. Les uns s’excusent, d’autres accusent. Mais qui s’excuse s’accuse, et doit faire de son mieux pour se faire pardonner. Tout le monde accuse, alors que le banc des accusés est vide. Selon M. Feghalli (in Proverbes syro-libanais 1938), on raconte que le Calife Haroun al-Rachid, se promenant un jour avec le poète et parodiste Abou Nouas, demanda à celui-ci de lui expliquer le sens du dicton « l’excuse est pire que la faute ». S’approchant alors du Calife, avec un sourire malicieux, Abou Nouas le pinça au bras. Le Calife vexé de cette familiarité, lui dit « n’es-tu pas fou de te permettre une pareille liberté avec moi ? ». « Pardon prince des croyants, lui dit Abou Nouas, mais j’avais oublié que c’était vous. Je pensais avoir pincé la princesse ». « Misérable ! C’est donc là ton excuse, hurla le Calife. Mais elle est pire que la faute ». « Il y a un instant, répliqua Abou Nouas, vous m’avez demandé de trouver une excuse pire que la faute. Je viens de vous la donner. Suis-je coupable de vous avoir obéi ? »

L’Etat populaire

Le pire des Etats, c’est l’Etat populaire, selon Corneille (in Cinna 1640). Or, mise à part l’ex-Président Fouad Chéhab, presque tous les hommes politiques libanais ont œuvré pour l’instauration d’un Etat populaire qui a empêché effectivement l’établissement de l’Etat de droit depuis 1943 jusqu’à nos jours. Et selon Cervantès «ce n’est pas la charge, mais l’excès de charge qui tue la bête» (in Don Quichotte 1615). Il faut finir par faire la part des choses, entre l’excès et la modération, le nécessaire et le superflu, la mesure et la démesure, le beaucoup et le peu, si nos politiciens désireraient réellement sauver le pays et nous délivrer de nos propres misères. «Il faut abattre l’arbre qui donne trop ou pas assez d’ombre», disent les Russes.

Ambition et vengeance

Nos politiciens nous ont abîmé le tympan et ont pourri nos cœurs depuis des décennies avec leur sérénade sin-sin (Syrie-Arabie Saoudite) et I-I (Israël-Iran), et nous ont entrainé, pour ne pas dire enfoncé, dans leurs querelles, supposées chrétienne-musulmane ou bien sunnite-chiite. Leurs débats sont plutôt tordus et nauséeux. Les couleurs de leurs étendards et autres fanions sont devenues fades. Ils sont partagés entre leur ambition et leur esprit de vengeance. Mais l’ambition et la vengeance ont toujours faim, disent les Danois. 

La confusion

« Certains gens échangent leur honneur contre les honneurs », nous dit Alphonse Karr (les Guêpes, juin 1842) alors que son contemporain le poète français Alfred de Vigny définie l’honneur comme étant la poésie du devoir. Avons-nous perdu le goût de la poésie ou bien allons-nous continuer à vivre dans cette confusion… ?  (18.9.2009)

Ces 120 Messieurs sont-ils vraiment sérieux?

Epargner ceux qui se soumettent, et dompter les superbes, dit Virgile dans l’Énéide, VI, en 853, prononcée par Anchise qui explique à Énée le rôle futur du peuple romain. C’est une phrase rééditée, d’une manière ou d’une autre, par  tous les conquérants qui ont emporté les victoires décisives sur leurs adversaires et ont fondé les empires.

Le rêve Onusien

Ceci était valable et possible dans un monde où seulement une ou deux puissances mondiales régnaient ou partageaient les richesses des peuples soumis ou dispersés. Mais la multiplicité des projets colonialistes et autres visées impérialistes, a déclenché les grandes guerres entre les anciennes et les nouvelles puissances durant le vingtième siècle. Ce qui a nécessité la création de la Société des Nations au lendemain de la Première Guerre mondiale, et la fondation de l’Organisation des Nations Unies au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, en  vue de prévenir et régler les conflits d’intérêts entre les membres de l’Organisation, et œuvrer pour une paix mondiale. Mais les faits et les événements ont montré que la création de l’ONU devait plutôt assurer un meilleur partage des richesses entre les grands  et les moins grands de ce monde.

Pax americana

Mais malheureusement les dirigeants des Etats-Unis d’Amérique, première grande puissance mondiale, ont saisi depuis 1945 les bonnes et les mauvaises occasions pour imposer, leur paix sur le monde. Et les prétextes et autres excuses ne manquaient pas, de la guerre contre le communisme jusqu’à la guerre contre le terrorisme, en passant par la libération des peuples opprimés (!) et la propagation de la démocratie dans le monde. Résultats: une bonne douzaine de guerre civile par ci et une centaine de pays dépendant, directement ou indirectement de l’aide américaine par là, sans oublier la chute claire et nette du système capitaliste qui a confisqué, et continue à confisquer, d’une façon ou d’une autre, les richesses des peuples de la Terre. Et c’est Barak Obama, un président américain d’origine africaine, qui va tenter de sauver l’Amérique, protéger ses intérêts et assurer son hégémonie dans un monde en mutation. Les quatre années de son mandat vont-ils lui suffire pour effectuer la transition nécessaire, ou bien aura-il besoin d’un second mandat pour opérer le changement tant souhaité par le monde entier ?

Ban Ki-Moon l’écologiste

C’est Ban Ki-Moon le secrétaire général de l’ONU qui a pris l’initiative de réunir à New York les chefs d’Etat et de gouvernement de la planète, pour tenter de redonner un nouvel élan aux négociations qui semblent être dans l’impasse .Or environ trois mois avant la tenue de la conférence de Copenhague prévoyant la signature d’un accord sur une réduction contraignante des gaz à effet de serre, plusieurs responsables ne dissimulent pas leur pessimisme en raison de la division persistante entre pays industrialisés et pays émergents sur les moyens de combattre le réchauffement.

Enfin le discours apaisant du président Barak Obama à la tribune de l’ONU va-t-il convaincre le Sénat américain qui traîne des pieds pour adopter, après la Chambre des représentants en juillet dernier, un projet de loi sur le climat et l’énergie, et rassurer au moins les Européens qui accusent inlassablement Washington de ne pas respecter ses engagements internationaux…ou bien faut-il attendre les conclusions de la réunion imminente du G20 à Petersburg ? (25.9.2009)

VIème Jeux de la Francophonie … à la libanaise

3000 jeunes, représentants 44 pays entièrement ou partiellement francophones, se sont rendus au Liban pour y séjourner du 26 septembre au 7 octobre. 3000 athlètes et artistes sont venus des quatre coins du monde pour s’affronter à Beyrouth selon un concept jumelant le sport à la culture. Et Les Français sont les meilleurs pour allier le sport à la culture, ou la finance à la culture. Mais au vu de la classe politique libanaise, c’est l’occasion à ne pas manquer pour exploiter politiquement cet événement exceptionnel.

Le vedettariat 

Les grandes vedettes, athlètes et artistes, sont absents de Beyrouth. Les Jeux de la francophonie semblent attirer essentiellement des athlètes espoirs ou amateurs qui vivent leur première compétition internationale et se contentent d’empocher des médailles en vue d’une promotion à venir. Ainsi le vedettariat était partagé entre la chanteuse libanaise Majida Al-Roumi et la ministre de l’Education Nationale Bahiya Al-Hariri. La présence du ministre de la Culture Tamam Salam n’a fait que mettre en relief l’absence du ministre de la Jeunesse et du Sport Talal Arslane. Heureusement, la présence du Président de la République Michel Sleimane et le remarquable discours qu’il a prononcé à la cérémonie d’ouverture devaient rassurer tout le monde. Ailleurs, plusieurs observateurs se sont étonnés devant l’incapacité des organisateurs à remplir dimanche dernier les gradins de la Cite Sportive dans un pays où il est habituellement facile de mobiliser des centaines de milliers de supporters.

 Quelques regrets

Devons-nous remercier le premier ministre français François Fillon d’être venu au Liban à cette occasion, et d’avoir prononcé un beau discours de soutien à la politique menée par le président Michel Sleimane, ou bien saluer le discours du secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie Abdou Diouf, qui connaît bien les libanais, pour avoir saisi ces VIème Jeux et adressé une fois de plus, un message de solidarité avec les Libanais… ou encore gratifier le charmant prince Albert de Monaco pour son déplacement à Beyrouth où il doit se sentir chez lui ? Nous ne pouvons que regretter l’absence de hauts responsables français,  arabes, canadiens, suisses, belges et autres francophones célèbres. Ils ont tous brillé par leur absence.

 Le rôle des medias

Mise à part la large couverture assurée par les medias du Courant du Futur, la presse libanaise a accordé peu d’intérêt à un événement de cette importance. Dans l’espace francophone, la presse française a ignoré froidement un événement de cette envergure, laissant Radio France Internationale assumer seule la couverture d’une si belle équipée réunissant au total dix mille personnes de culture française venant des cinq continents. Pourtant, « L’idée première, c’est de rassembler la jeunesse de l’espace francophone avec un concept qui lie le sport à la culture, tous les quatre ans, les années post-olympiques », explique Mahamane-Lawam Sériba, directeur du Comité international des jeux.

Un besoin de renaissance

La Francophonie a besoin d’une offensive du français, d’une renaissance, selon l’expression d’Hervé Bourges. Cet ancien journaliste et haut responsable de l’audiovisuel français est le rédacteur d’un rapport consacré à « une renaissance de la Francophonie ». Selon ce document, « la Francophonie… peine à renouveler ses idées et son action ». Il voit « un manque de visibilité, entraînant la perception d’un manque d’efficacité, dans un contexte de relatif affaiblissement de la langue française ». Hervé Bourges estime que « les causes de cette situation sont largement françaises ». Selon lui, la « France est trop repliée sur elle-même », et la Francophonie traîne comme un boulet, l’histoire de la colonisation française. Il constate le faible intérêt des Français pour la Francophonie, ainsi que leur difficulté à « concevoir la diversité culturelle comme source d’enrichissement ». Enfin, Il attribue en grande partie la responsabilité aux « élites ». (2.10.2009)

… Afin que la république n’éprouve aucun dommage !

« L’émeute gronde à nos portes. Que les consuls prennent garde, afin que la république n’éprouve aucun dommage ». Des mots que le sénat romain prononçait, en temps de crise, quand il accordait aux consuls les pleins pouvoirs. J’ai aujourd’hui l’impression de les entendre dits et répétés, depuis des mois, par le président de la République Michel Sleimane, le président du Parlement Nabih Berry et le député Walid Joumblatt… chacun à sa façon.

Le Chariot avant le bœuf

Le fait de designer le député de Beyrouth, le chef acclamé d’une majorité parlementaire, Saadeddine Al-Hariri comme futur président du Conseil des ministres, chargé depuis la mi-juin de former le nouveau gouvernement, ne suffit point pour rassurer la classe politique et le peuple libanais. Le fait de choisir des ministres jouissant d’une certaine popularité ou d’une quelconque compétence, ne suffit pas non plus pour mériter la confiance d’un peuple meurtri et divisé.

Le commun des mortels

Or le commun des mortels ne se soucie guère de voir tel député ou tel homme d’affaires intégrer le nouveau gouvernement qui traine le pas. Il voit surtout la déficience de son pouvoir d’achat malgré la dernière augmentation survenue après dix ans d’immobilisme et de mépris. Il patiente et souhaite entendre de la bouche du nouveau chef de l’exécutif une déclaration solennelle, dans laquelle il expose sa politique de reforme indispensable et inévitable pour sauver ce petit pays et rétablir la paix civile au sein d’un peuple qui a trop souffert durant ces quarante années passées.

N’étaient-ils pas beaux ?

Qui n’a pas remarqué la cravate club orange de Saad Al-Hariri, et celle bleue de Michel Aoun, lors de leur dernière rencontre ? N’étaient-ils pas beaux en ce jour béni, affichant un aimable et tendre sourire, et effectuant une déclaration pondérée à la presse ? Je me demande s’ils savaient que leur bonne conduite allait refléter l’ambiance chaleureuse qui a régné, sur les « retrouvailles » à Damas entre le roi Abdallah d’Arabie Saoudite et le président syrien Bachar al-Assad ? Il faut cesser de déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul. « Celui qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner », disait souvent le roi Louis XI. C’est bien vrai, mais pas pour les temps, surtout pas chez les Levantins.    (9.10.2009)

Nobel de la paix 2009: forcer la main à Barak Obama

L’objet de la guerre c’est la paix… selon Aristote. On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut… selon Machiavel dans son Prince en 1514. Quand la paix est faite, il faut la maintenir par l’intérêt… selon Cromwell dans son discours au Parlement le 3 septembre 1654. La paix rend les peuples plus heureux, et les hommes plus faibles… selon Vauvenargues (1746).

Une première

Le comité norvégien a cru bien faire en couronnant Barack Obama, moins d’un an après son élection et avant de le voir réaliser un quelconque résultat tangible. Il voulait peut être l’encourager et lui apporter un grand soutien moral dont il a sûrement besoin pour maintenir ses bonnes intentions et assumer ses engagements pris sans cesse depuis son investiture à la Maison Blanche. Beaucoup d’observateurs le comparent à ses prédécesseurs tels le président Theodore Roosevelt en 1906, le président Thomas Woodrow Wilson en 1919, Martin Luther King le militant pour les droits civiques en1964, Henry Kissinger le diplomate et homme d’Etat en 1973, l’ex-président Jimmy Carter en 2002, l’ex-vice-président Al Gore en 2007. Il me semble que l’ancien étudiant à Harvard a dépouillé le parcours politique de tous ces gens-là et a approfondi leurs discours, y compris ceux du président Abraham Lincoln.

Les critiques

L’attribution du prix a divisé la classe politique. Les républicains ont rappelé que Barack Obama n’avait encore rien accompli et ne méritait pas de récompense. Ils ont trouvé le moment opportun pour critiquer le prix et tout autant le comité. Jamais Ronald Reagan n’a reçu le prix Nobel, « pourtant il est l’homme qui a mis fin à la guerre froide »… ! « Si les Européens voulaient faire quelque chose, pourquoi ne pas envoyer leurs troupes en Afghanistan ? » selon Aaron David Miller, un spécialiste du Proche-Orient. Par contre, son ancien rival, John McCain a rappelé que tous les Américains devaient être « fiers » d’un tel honneur.

 Les compliments

Zbigniew Brezinski, l’ancien conseiller diplomatique de l’ex-président Jimmy Carter, pense que Barak Obama a, en quelques mois, « redéfini les relations de l’Amérique avec le reste du monde », et a « nettement amélioré son image » auprès de l’opinion publique internationale. Il a aussi estimé que le Prix Nobel donnait à sa politique, une « légitimité internationale », et serait, notamment utile dans ses tractations avec l’Iran et les négociations que mène son envoyé spécial au Proche Orient, George Mitchell, sur la question palestinienne.

Un aveu sincère 

« Je sais qu’au cours de l’histoire, le prix Nobel de la paix n’a pas seulement été utilisé pour honorer des succès spécifiques; il l’a aussi été comme moyen de donner de l’élan à un ensemble de causes. C’est pourquoi j’accepterai cette récompense comme un appel à l’action, un appel lancé à tous les pays pour qu’ils se dressent face aux défis communs du XXIe siècle… Ce prix ne récompense pas seulement les efforts de mon administration, mais aussi les efforts méritants de beaucoup de gens courageux dans le monde entier. »  (Barak Obama le 10 octobre 2009).  (16.10.2009)

Et si les magistrats se révoltaient ?

C’est avec beaucoup d’humilité et de sincérité que je présente ce bouquet de citations à son excellence M. Ghaleb Ghanem le président du Conseil Supérieur de la Magistrature: La justice, c’est de donner à chacun son dû (Simonide de Céos, cité par Platon). Platon nous enseigne aussi dans sa République : le bon juge ne doit pas être un jeune homme ; il faut qu’il soit vieux et qu’il est acquis une connaissance de l’injustice. Les Allemands disent: les juges doivent avoir de grandes oreilles et de petites mains. Les Anglais répètent souvent : qui endosse la robe du juge doit oublier sa personne privée. Le renard doit être récusé du jury qui juge la poule. La justice rendue pendant une heure vaut mieux que la fréquentation des temples pendant une année (Henry de Saint-John 1750). Et les Russes pensent que ce n’est pas la loi qu’il faut craindre mais le juge. Avec la justice, vous pouvez faire le tour du monde ; avec l’injustice, vous ne pouvez pas franchir le seuil de votre maison. Il faut trois sacs à un plaideur : un sac de papiers, un sac d’argent, et un sac de patience… selon le penseur  français P-M. Quitard (1860). Enfin les arabes clamaient par le passé: Malheur à la génération dont les juges méritent d’être jugés.

Entre le matinal et le vespéral

Ghaleb Ghanem devait ce jeudi 15 octobre, prononcer deux discours :

-le premier matinal, au Palais de justice, en présence du président de la République Michel Sleimane, du président du Parlement l’avocat Me Nabih Berri, du président du Conseil des ministres sortant Fouad Señora, le ministre de la Justice le professeur émérite Ibrahim Najjar, et un bon nombre de magistrats et d’avocats… à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle année judiciaire.

-le second vespéral, à l’UNESCO devant une assemble d’hommes de lettres et de femmes distinguées, en tant que représentant du Chef de l’Etat, pour commémorer le souvenir d’un ami à son père Abdallah Ghanem, un homme qui a marqué son temps, le Cheikh Ibrahim Almounzer (1875-1950) l’homme de lettres, l’instituteur, le magistrat et l’homme d’Etat.

Dans le premier discours il a échangé avec le Chef de l’Etat, le ministre de la justice et le Bâtonnier de Beyrouth Me Ramzi Jreige, les propos coutumiers dits et répétés depuis des années… c.à.d. depuis les débuts de la guerre civile en 1975 jusqu’à nos jours. Dans le second, il était plus éloquent, plus évocateur car il était question d’un passé glorieux quand le Liban pullulait de vrais hommes, des hommes qui incarnaient les grandes valeurs et défendaient les justes causes.

La justice est souveraine

Les propos du Président Sleimane étaient clairs : « Si le devoir de l’État est de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, la responsabilité principale incombe au juge qui doit respecter (et faire respecter) son serment, loin, très loin de toutes les influences politiques et des intérêts personnels. Si le devoir de l’État est de renforcer l’immunité du juge sur le double plan professionnel et social (!) Il reste que l’une des premières obligations du juge est de poursuivre son instruction et de renforcer sans cesse son immunité », a ajouté le chef de l’État. Pour le président de la République, « l’État doit assurer aux citoyens, la liberté et l’égalité dans tous les domaines », et c’est « la Justice qui organise (et maintient) la relation entre la justice et l’égalité, et garantit l’équilibre entre ces deux principes… La justice est, pardessus tout souveraine, contrairement aux autres principes, car elle est absolue, alors que la liberté connaît des limites ».

Sauver l’essentiel

Mais que doit faire le magistrat, si l’Etat s’avère déficient pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et incapable de renforcer l’immunité du juge ? Se croiser les bras, ou bien se laisser emporter par la vague ! Non et mille fois Non… ! Car nos illustres ancêtres, nos martyrs dont le sang n’a pas encore séché, ainsi que nos petits enfants ne méritent pas cela. Si l’Armée nationale est sans doute le dernier rempart pour sauvegarder dans l’état actuel, notre unité national…, vous êtes, mesdames messieurs, plus que jamais notre dernier recours pour sauver l’essentiel, « la dignité de l’homme » au Liban et pour pouvoir distinguer « la frontière qui sépare la justice de l’injustice ». (23.10.2009)

Vivre et laisser Vivre

« La paix a ses victoires non moins valeureuses que celles de la guerre » (John Milton). « On peut être un héro sans ravager la terre » (Boileau). « Même la guerre finit par où elle a commencé », selon le dicton populaire espagnol. « Les princes qui ont remporté le plus de victoires sont ceux contre qui personne n’a osé faire la guerre » selon le vieux dicton chinois. « Je ne compte pas vous envoyer en Afghanistan si cela n’était pas vraiment utile », Barak Obama s’adressant aux réservistes.

Le pétrole, le gaz ou l’uranium ?

Il semble que l’uranium a empiété sur le pétrole qui a provoqué pendant tout un siècle, les appétits et  les convoitises des grands de ce monde, de l’ouest africain jusqu’à la mer caspienne en passant par le golf arabo-persique. A-t-on oublié la chute du premier ministre iranien Moussadek en 1952, l’assassinat du roi Fayçal d’Arabie en 1974 et la chute du chah d’Iran en 1979…ces hommes qui ont osé nationaliser leur richesse pétrolière ? Et c’est la réglementation du marché gazier qui a convaincu le Qatar et l’Arabie Saoudite d’entretenir les meilleurs rapports avec les Russes.

Marchands de Tapis

L’Eurodif associe toujours l’Iran islamique à la France laïque, que cela plaise ou non à Nicolas Sarkozy. Et c’est la Jordanie qui propose aujourd’hui à l’Italie de lui fournir tous ses besoins en uranium. Washington de son coté, annonce le lancement d’un projet nucléaire dans le cadre des accords signés avec les Emirats Arabes Unis. Le groupe des six, les USA, la Russie, la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, et l’Italie, ont mérité avant, pendant et après les récentes négociations de Vienne face aux Iraniens, l’appellation « marchands de tapis » réservée habituellement aux Levantins. Or l’uranium est, dans les prochaines décennies, la source d’énergie qui va empiéter sur le pétrole et le gaz, surtout si les pays industriels se décident à finaliser prochainement à Copenhague, un accord sur la réduction des émissions directes ou indirectes de Gaz à Effet de Serre pour la période post-2012, après l’expiration du protocole de Kyoto.

Guerre ou Paix ?

Et c’est l’ingénieur égyptien Mohammad el-Baradaï, le directeur général de l’AIEA dans un entretien accordé à l’Express, l’hebdo parisien, qui annonce les couleurs en affirmant: « À terme, l’Iran pourrait exercer une influence positive en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Liban, et auprès des palestiniens ». Cette déclaration à caractère géostratégique faite par le directeur d’une agence spécialisée de l’Organisation des Nations Unies, montre que le dilemme est plutôt économique. Ce brave homme pense t-il avec Saint Augustin, qu’ « il y a plus de gloire à tuer les guerres avec la parole qu’à tuer les hommes avec le fer… » ?

A chacun sa démocratie

On ne peut plus désavouer la démocratie iranienne qui a fait ses preuves durant ces trente années passées, et rivalise singulièrement avec les démocraties occidentales qui ont incontestablement besoin d’une profonde restructuration, surtout depuis les fameuses élections présidentielles qui ont opposé Georges Bush junior à Al Gore en l’an 2000. « Le respect mutuel et les intérêts communs » selon Barak Obama ne riment plus avec l’exportation de la démocratie américaine vers des pays comme l’Iraq, l’Afghanistan ou le Pakistan,…une démocratie fourrée d’explosions particulièrement meurtrières depuis l’an 2002.  Question : à quoi servent les milliards de dollars que les Etats-Unis d’Amérique continuent de déverser sur Israël depuis cinq décennies? Réponse : aider la démocratie israélienne à exterminer par tous les moyens possibles et imaginaires, le peuple palestinien parce qu’il refuse de tout céder. (30.10.2009)