De la Grèce antique Pittacos nous enseigne : «ceux qui font les lois doivent les observer», et Pausanias, roi de Sparte, affirme que «La loi doit avoir autorité sur les hommes, et non les hommes sur la loi». Publilius Syrus confirme: «Un peuple est fort, quand les lois ont de la force.» Son concitoyen Pine le Jeune note que «Le prince n’est pas au-dessus des lois, mais les lois sont au-dessus des princes». Leur cadet Tacite, dans ses Annales III, témoigne: «Plus l’Etat est corrompu, plus il y a des lois». Le proverbe arabe dit : «La législation est le sel de la terre». L’américain B. Franklin rapporte: «Les lois trop douces ne sont pas suivies, les lois trop sévères ne sont pas appliquées». J.-J. Rousseau trouve que «Les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien». Les Estoniens pensent que la loi est de trois jours plus vielle que le monde. Napoléon Ier certifie: «Une mauvaise loi appliquée rend plus de service qu’une loi interprétée», quand Talleyrand soutenait que nous pouvons violer les lois sans qu’elles crient.
Sans foi ni loi
Du Code Hammourabi au Code Napoléon, en passant par les Dix Commandements de Moïse, les Consignes du Christ sauveur et la Charia’ de l’ultime Prophète, la société des hommes n’a cessé de modifier les textes de lois, pour faire régner l’ordre public, assurer une meilleure gestion des intérêts économiques et maintenir une certaine harmonie dans les relations humaines ; autrement dit, pour empêcher n’importe qui, de faire n’importe quoi, et n’importe comment … ! Peut-on vivre sans foi ni loi ? Oui, si on choisit de vivre dans l’anarchie qui est, selon Voltaire, «l’abus de la république, comme le despotisme est l’abus de la royauté».
Le bon exemple
La classe politique au Liban a, en quelque sorte, triché depuis la fondation de la république et continue de le faire sans remords, ni regrets. Les dirigeants politiques libanais dictent les lois mais ne les respectent pas, et donnent ainsi le «bon exemple» aux malheureux citoyens qui ne savent plus où aller pour déguerpir et éviter un quelconque procès. Apparemment nous avons plagié le code civil français. Au fond nous avons conservé tous les mœurs et coutumes ancestrales qui nous guident dans nos rapports entre citoyens et avec l’autorité publique.
Ça marche
Entre le laisser-aller et le laisser-faire, les Libanais mènent leur vie dans l’insouciance et l’indifférence, jusqu’au jour où «le ciel leur tombe sur la tête». Ils vont sûrement trouver un certain protecteur pour intervenir en leur faveur et renvoyer le dossier aux calandres grecques. Au Liban, nous n’avons pas d’ouvriers, car les libanais prétendent tous être des maitres, des chefs de chantiers, en somme des experts. Le fait de posséder une quelconque somme d’argent donne des ailles à la plupart des Libanais pour entreprendre et s’aventurer dans une affaire, dans la mesure où «ça marche». Au Liban n’importe qui peut vendre des polices d’assurances, ouvrir un restaurant ou un hôtel, acheter, importer et vendre des voitures, devenir promoteur immobilier. Le Libanais sollicite une licence pour ouvrir un restaurant, mais ne tarde pas à le transformer en boite de nuit ou en salle des fêtes. Le Libanais obtient l’autorisation de construire un immeuble de cinq étages, mais il s’arrange pour construit un immeuble de dix étages. D’ailleurs tout s’arrange puisque Messieurs les ministres, les députés, les maires, les mouhafez ou les commissaires, sont omniprésents pour intervenir et couvrir leurs coreligionnaires, leurs camarades, ou leurs associés. Qui ose «contrarier» les entrepreneurs de travaux publics, ces rois de la jungle libanaise… ces maîtres chanteurs ? Le dicton populaire danois assure que «Les présents font la femme complaisante, le prêtre indulgent, et la loi souple».
Piètre justice
Doit-on prendre à la lettre le proverbe italien qui dit: «Au jardin de l’avocat, un procès est un arbre fruitier qui s’enracine et ne meurt pas», ou bien admettre que «C’est ouvrir une digue que de commencer un procès», selon la sagesse arabe, sans oublier de rappeler le dicton populaire russe qui dit: «La chèvre actionna le loup en justice et elle ne conserva que sa barbe et ses cornes» ! D’ailleurs la fameuse loi du 23 juillet 1992 qui gère les relations conflictuelles entre les propriétaires et leurs anciens locataires est un exemple typique, où le malheureux propriétaire se contentera finalement d’obtenir un œuf, après avoir plaidé pour une poule. Or il semble que la majorité des dirigeants politiques et hauts responsables du pays sont des anciens locataires et se contentent de payer pour l’année, ce qu’ils doivent payer honnêtement par mois. «La cour rends des arrêts, et non pas des services», selon Séguier premier président de la cour de Paris en 1810, et «Le juge est condamné, quand le coupable est absout», selon Publilius Syrus. (9.4.2010)