Selon un vieux dicton persan, « Adam et Eve parlaient d’amour en persan, mais l’ange qui les chassait s’exprimait en turc ». Cependant les Turcs pensent que « la beauté est circassienne, la richesse est française, mais la majesté est osmanlie. » La Fontaine nous enseigne dans le Rat et l’Huître… « Tel est pris qui croyait prendre », et dans le Coq et le Renard…« C’est un double plaisir de tromper le trompeur ».
Le sursaut turc
Depuis sa création, l’Etat d’Israël avait au Moyen Orient, deux alliés solides et pesants, sur lesquels il pouvait compter politiquement, militairement et économiquement, dans son conflit avec les palestiniens et les autres pays arabes : la Turquie kémaliste, musulmane sunnite, et l’Iran du Chah, musulmane chiite. Depuis l’avènement il y a trente ans de la révolution des Ayatollahs en Iran, Israël devait perdre inéluctablement le soutien de ce grand pays. Est-il en train de perdre actuellement l’amitié et l’appui de son second allié, la Turquie ? La Turquie a-t-elle vraiment changé de visage et de stratégie presque cent ans après la prise du pouvoir par un certain inspecteur général de l’armée, Moustapha Kemal surnommé Atatürk, et l’instauration d’un régime politico-militaire prônant la laïcité ? Dans un monde qui bouge, l’Iran s’est réconcilié avec un certain passé et la Turquie a réussi son virage, face à un Etat Israélien qui n’a pas pu s’adapter aux nouvelles donnes.
Tête de Turc
La place qu’occupe la Turquie sur l’échiquier international est indéniablement forte, tout particulièrement depuis l’arrivée au pouvoir du parti islamo-conservateur AKP qui a su conserver tous les bons acquis de l’héritage kémaliste et saisir toutes les occasions et autres opportunités qui se présentaient sur la scène internationale: il a développé sa puissance économique, a maintenu sa Tète de Turc face à l’Union Européenne, a renforcé ses positions au sein de l’Otan, s’est réconcilié avec le monde arabo-musulman et s’est préposé comme médiateur équitable dans le conflit israélo-palestinien. Et ce n’est certainement pas le hasard qui a conduit Barak Obama à choisir la Turquie pour se rendre pour la première fois en tant que président des Etats-Unis, au Moyen Orient et prononcer son premier discours de réconciliation avec le monde arabo-musulman… !
Ont-ils réussi ?
Apres avoir réussi à asseoir un pouvoir politico-économique sur le plan intérieur, malgré les soubresauts des militaires nostalgiques, le tandem Erdogan-Oglou ont semble-t-il, tenu un copieux agenda et se sont fixés des objectifs à atteindre progressivement, en misant avant tout sur la confiance et le soutien de l’establishment américain… et surtout en réglant séparément ou globalement, tous les litiges qui l’opposaient historiquement à ses voisins proches : la Syrie, l’Iraq, l’Iran, les Kurdes, les Arméniens et les Grecques, avant de prendre ses positions qui paraissent si claires et nettes à l’égard de conflit israélo-palestinien. Ont-ils réussi ? Oui dans la mesure où l’entente qui règne au sein du trio Turquie-Syrie-Iran est, parait-il, équitable et salutaire, où le litige qui entachait les relations gréco-turques est définitivement réglé, et où les pourparlers avec les Kurdes et les Arméniens sont plutôt positifs malgré toutes les apparences trompeuses.
Le Grand défi
L’entente cordiale si célèbre entre la Turquie et Israël remonte à l’année 1949, quand la Turquie fut le premier état musulman au monde, à reconnaître Israël créé de toutes pièces un an auparavant, défiant ainsi le monde arabo-musulman. Depuis cette date, les relations bilatérales sur tous les plans, diplomatiques, économiques et militaires sont réputées être très solides, surtout depuis la signature en 1966 d’un traité militaire donnant la possibilité entre autre à l’armée israélienne d’utiliser l’espace aérien turc pour ses entraînement. Mais les temps ont profondément changé, depuis l’attaque meurtrière de l’armée israélienne contre le peuple libanais en 2006, celle encore plus sauvage contre les palestiniens de la bande de Gaza soumis à un blocus accablant, dressé sévèrement depuis trois ans contre un million et demie de palestiniens. Reste à savoir si le gouvernement turc a obtenu l’aval de l’administration américaine pour réprimander le gouvernement israélien, du moins trouver une issue à un blocus que le monde entier trouve honteux, y compris les juifs de la diaspora ! Or les observateurs avisés affirment que la Turquie a agi de la sorte en s’appuyant sur quatre facteurs :
– les israéliens ont effectivement perdu la raison ces dernières années
– un feu vert américain de la part d’un président agacé voire exaspéré par les exigences d’un gouvernement israélien intraitable
– le soutien des peuples arabes et musulmans déçus par l’inertie voire la mollesse de leurs gouvernements
– le nombre des volontaires turcs (460) montés à bord de la flottille attaquée par l’armée israélienne et le nombre des victimes notamment turcs qui sont tombées sous le feu des assaillants israéliens.
C’est l’occasion à ne pas manquer pour la nation turque, qui va lui permettre de retrouver les temps glorieux des ancêtres osmanlis, dit-on. (8.6.2010)